Un président ou un cardinal ?


Éhontés. L’événement aurait requis plus de retenue, de sobriété, de modestie. Des candidats déclarés, à être éligibles, à l’élection présidentielle se sont sentis plus heureux que le bienheureux de figurer parmi les invités d’honneur à la cérémonie de béatification de maître Lucien Botovasoa à Vohipeno. Une aubaine dans une année électorale. L’espace religieux constitue une sacrée source de voix, toutes confessions confondues. L’événement a ainsi pris une autre tournure où les candidats soi-disant favoris ont volé la vedette à celui pour qui la journée a été consacrée. Ils en ont profité pour faire une campagne en bonne et due forme avec bain de foule, selfie, messe, visite d’ampanjaka et halte dans les villages de Vatovavy Fitovinany. L’équipe de communication de chaque candidat essaie de montrer à qui mieux mieux la plus grande audience, la plus grande popularité de son gourou. Il est vrai qu’il est difficile de retrouver une telle affluence sans l’appui d’une artillerie lourde d’artistes. Heureusement qu’il n’est pas d’usage en pareille circonstance que les autorités prononcent un discours sinon on aurait assisté à un battle entre les prétendants. Certains ont même allégué que cette disposition a été faite au détriment du President de la République venu honorer de sa présence la cérémonie sans plus. Ça n’aurait pas été un scandale si on lui avait donné la parole pour un tel événement pour le pays mais il s’en est tenu aux règles. D’ailleurs, il est habitué à ce genre de protocole comme lors de l’ouverture du jubilé Fjkm à Mahamasina. C’est tant mieux pour la laïcité de l’État. Autrement on aurait pensé que la cérémonie avait pour objectif la béatification des candidats à la présidentielle. Beaucoup de prétendants étaient présents à Vohipeno, terre sacrée des Antemoro où on a l’habitude de quérir la bénédiction des Ampanjaka avant une épreuve électorale. Reste à savoir qui, parmi ces candidats annoncés peut prétendre avoir la foi,le courage, la conviction de Lucien Botovasoa ? On peut gager que personne. D’ailleurs, il n’a jamais voulu s’engager dans la politique sachant que c’est un monde où sa droiture, sa foi, son honnêteté ne seront jamais reconnues. Il y a fort à parier que beaucoup parmi ces candidats ignoraient tout de Lucien Botovasoa jusqu’à cette béatification. Il y en a un justement qui avait affirmé qu’il ne savait rien des événements de 1947, année où Botovasoa avait été décapité, étant donné qu’il était né cinq ans plus tard. Le pays a maintenant trois bienheureux et beaucoup de candidats mais n’a toujours pas de cardinal depuis huit ans. S’il y a autant de candidats que de bienheureux, le Vatican aurait certainement changé d’avis. Hélas, ce n’est pas demain la veille que la tendance sera renversée. La question fondamentale qu’il faut poser est de savoir si le pays, dans la situation où il se trouve a plus besoin d’un President que d’un cardinal. La réponse viendra certainement d’une consultation populaire par voie référendaire. Le fait est que, depuis qu’on n’a pas de cardinal, le pays n’a plus de raiamandreny pour le guider dans la bonne voie et le préserver des dérives et des bêtises des enfants prodigues. Par Sylvain Ranjalahy
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