Antananarivo et le désert médical malgache


Un «Centre hospitalier de référence» de district existe à Ankazobe. Pourtant, les victimes des nombreux accidents de la circulation à ce niveau critique de la Route Nationale 4 doivent être systématiquement évacuées au HJRA (en passant d’ailleurs sans s’arrêter à l’hôpital dit «manara-penitra» de la route digue) d’Antananarivo, à 90 kilomètres. Accidentés à Ambatolampy, victimes d’actes de banditisme à Ambositra, blessés à Moramanga : dans le désert médical autour de la Capitale, les familles ne font confiance qu’aux pourtant pauvres infrastructures d’Antananarivo. On se rappelle encore le slogan-programme de la République socialiste (1975-1991) : «une école primaire dans chaque Fokontany, un lycée dans chaque Fivondronana, une Université dans chaque Faritany». Je n’ai pas souvenir de son pendant médical : les autres capitales de province, autres qu’Antananarivo, sont aussi démunies que la campagne alentour avec les pauvres CSB (centre de santé de base). Il y a dix ans, dans une Chronique du 11 juin 2007, je me surprends à décrire une situation très actuelle : «les hôpitaux malgaches sont aux CHU d’ailleurs ce que les “Hôtely Gasy” sont aux restaurants à étoiles» (...) Bien qu’on continue de louer le savoir-faire des praticiens malgaches, les dirigeants du pays ont toujours privilégié des soins à l’extérieur plutôt que de s’en remettre au système de santé sur lequel ils étaient pourtant censés veiller. Alors, de Toliara à Antananarivo, il ne faudra pas s’étonner que le périple sanitaire se prolonge à l’île de La Réunion (...) Fidel Castro a été opéré dans un hôpital cubain, par un chirurgien cubain, plutôt que d’être évacué à Moscou ou Pékin. Le jour où un Président de la République malgache acceptera d’être admis dans un hôpital de la place.... Dernièrement, c’est l’archevêque d’Antananarivo qui a été évacué à l’île Maurice pour une menace d’AVC...Quant aux dirigeants malgaches, ils se font discrètement faire leur check-up médical à l’étranger. Les Malgaches les plus démunis avaient fini par s’habituer aux tournées du bâteau-hôpital de l’association humanitaire «Mercy Ships». Les soins sont prodigués et les actes chirurgicaux pratiqués au port de Toamasina, mais des équipes médicales procèdent au préalable à la détection des maladies rares (fistule obstétricale, fente labiale, diverses tumeurs, cataracte) dans une dizaine de villes de Madagascar. Lors du salon des produits indiens à l’Hôtel de Ville, en 2016, le «Kokilaben Dhirubhai Ambani» de Mumbai était venu vanter son activité : bilan général de santé, depuis le cancer jusqu’à la chirurgie plastique, en passant par la cardiologie, la pédiatrie, la neurologie, l’orthopédie, l’osthéopathie. Connus des Malgaches, la «Fortis Clinique Darné» de Curepipe, île Maurice, fondée en 1953, revendique une centaine de médecins spécialistes : chirurgie cardiaque, endocrinologie, diabétologie, maladies cardio-vasculaires, rhumatologie, etc. Le néologisme «Evasan» est entré dans le vocabulaire familier suite à un récent scandale politico-médical. Mais, la réalité d’une désaffection à l’encontre du système de santé malgache est bien plus ancienne. Et aucun «zava-bita» (réalisation à inaugurer) ne vient inverser cette tendance malheureuse. Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja
Plus récente Plus ancienne