« Pour que la mer ne soit plus la limite de notre rizière » - Monde - Tourisme et développement durable


Le Rapport Brundtland ou « Notre avenir à tous » définit le développement durable comme étant un développement « répondant aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Et selon Tom Andriamanoro qui ouvre sa chronique hebdomadaire par la plus grande industrie du monde, le Tourisme, ce secteur occupe une place importante dans ma notion de développement durable. [caption id="attachment_76184" align="alignleft" width="300"] Madagascar mise surtout sur l’écotourisme et exploite ses richesses naturelles pour ce faire. Ici le Parc national Isalo dans la région Ihorombe.[/caption] Différents concepts ont cours dans le tourisme qui est la plus grande industrie du monde. Le tourisme culturel a pour motivation première l’enrichissement des visiteurs au contact du patrimoine des pays visités. L’écotourisme intègre le tourisme dans la gestion et la préservation de l’environnement. Le tourisme équitable prône une juste rémunération de tous les acteurs, laquelle passe nécessairement par la transparence pour qu’aucune partie ne se retrouve exploitée par les autres. Le tourisme durable est lié au concept de pérennité et pourrait, en quelque sorte, être le but ultime vers lequel tendent tous les autres, puisqu’il n’est pas dans l’intérêt d’un produit touristique d’être périssable. Le tourisme solidaire, pour sa part, insiste sur la franchise des relations entre visiteurs et populations visitées, lesquelles excluent toute hiérarchisation pouvant naître des différences sociales ou culturelles. Le tourisme solidaire se caractérise par une finalité à trois branches, à savoir le partage, la responsabilisation de la population locale et l’enrichissement mutuel. Il ambitionne en fait de donner un sens nouveau au tourisme pour qu’il ne soit plus un passe-temps de riches, un sens que pourrait résumer le principe très actuel de « l’éthiquement correct ». Les professionnels du tourisme et les touristes eux-mêmes sont de plus en plus sensibles aux impacts, positifs ou négatifs, du tourisme sur l’environnement et les populations. Pour prendre l’exemple de l’écotourisme, cheval de bataille d’une destination comme Madagascar en raison de son exceptionnelle biodiversité, la Société internationale de l’écotourisme le définit comme étant « un voyage responsable à destination d’espaces naturels, qui tend à conserver l’environnement et à améliorer le bien-être de la population locale ». Il arrive néanmoins que des distorsions naissent entre ces deux finalités, la majeure partie des profits allant plus à la conservation ou à la macroéconomie du pays qu’aux populations locales. Selon l’Organisation mondiale du tourisme, les principes directeurs du développement durable et les pratiques de gestion durable sont applicables à toutes les formes de tourisme dans tous les types de destinations, y compris au tourisme de masse et aux divers créneaux touristiques. Un fait très positif est que des entreprises touristiques sont conscients à la fois de l’évolution du marché du tourisme durable et de leurs propres responsabilités dans les communautés locales où ils exercent leurs activités. Authenticité [caption id="attachment_76185" align="alignright" width="300"] L’ile Maurice base son développement sur le tourisme de haut standing,
à l’instar de ses infrastructures hôtelières.[/caption] Ces entrepreneurs qui sont tous opérateurs, hôteliers, loueurs de voitures ou autres prestataires de services sont sensibles à l‘impact de leur présence sur les communautés et les sites. De ce fait, ils s’efforcent de combiner leur profession et les bonnes relations qu’ils ont intérêt à tisser avec la population locale. Ils doivent aussi réussir à intervenir sur deux plans qui ne vont pas toujours de pair : d’une part, inciter la population locale à savoir conserver l’authenticité de son héritage socioculturel qui est au centre même de l’intérêt du produit, et d’autre part, former cette même population pour qu’elle soit apte à coopérer. Car une finalité du tourisme durable qui peut résumer toutes les autres, est le développement également durable d’une région ou d’un site avec la pleine participation de leur population. Le terme « durable » est apparu en 1987, quand la Commission mondiale pour l’environnement et le développement a demandé au Premier ministre norvégien de l’époque, Gro Harlem Brundtland, de présider un Comité travaillant à l’élaboration d’un rapport traitant à la fois des questions sociales, économiques et environnementales. La Commission publia un document intitulé « Notre avenir à tous », plus connu par la suite sous le nom moins romantique de « Rapport Brundtland ». Ce document définissait le développement durable comme étant un développement « répondant aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Difficile de trouver plus explicite. Étant l’industrie la plus grande du monde, le tourisme occupe une place importante dans la notion de développement durable. Il a aussi un nombre important d’impacts à gérer et coordonner afin d’assurer la pérennité des pôles d’attraction d’une destination touristique donnée. La notion de développement durable a ainsi été adaptée au tourisme pour aboutir à celle de « tourisme durable » avec exactement les mêmes critères et les mêmes références aux générations futures. Comment se vivent les relations entre l’environnement à pérenniser et le tourisme ? Dans un pays comme Madagascar, la visite des Parcs nationaux est mise en avant alors que dans d’autres pays, on s’intéresse de près à des sites attractifs en dehors des Parcs, un choix qui peut permettre d’agir plus directement sur les populations locales. Dans l’île voisine de Maurice, le tourisme est moins concentré sur la visite d’espaces naturels, en revanche beaucoup de grands hôtels d’envergure internationale appliquent un Système de management environnemental (SME) en réponse à leur propre perception de la nécessité de protéger l’environnement. Beaucoup de leurs clients ont d’ailleurs une préférence marquée pour les établissements possédant des labels environnementaux. Rétro pêle-mêle [caption id="attachment_76186" align="alignleft" width="300"] Des travailleurs de l’Asie du Sud-est marquent par une manifestation
la Journée internationale des migrants.[/caption] 2008 est l’année choisie par cette chronique pour une petite virée inhabituelle aux Philippines. Les ressortissants de ce pays asiatique sont devenus de vrais migrants professionnels, puisque neuf millions d’entre eux ont choisi d’aller travailler à l’étranger. Ils sont très doués dans tous les types de service, et sont parfaitement anglophones, ce qui est un atout très apprécié. Le gouvernement philippin gère de près l’émigration de ses travailleurs, pour ne pas dire qu’il la favorise. Il comporte un secrétariat d’État aux travailleurs migrants qui valide les contrats et fixe les salaires minima acceptables. Cinq pays leur sont interdits pour raison de sécurité : le Liban, l’Afghanistan, la Jordanie, le Nigeria et l’Irak. Il n’est pas faux de dire que les Philippins sont obsédés par le départ, et sont prêts à accepter toutes les opportunités y compris les « Three D » : Difficult, dangerous, and dirty. SOCIÉTÉS TRADITIONNELLES - Les Masaï du Kenya [caption id="attachment_76187" align="alignleft" width="300"] Des femmes activistes Masaï militent, le 13 décembre 2014, en faveur des animaux sauvages du Kenya
en danger d’extinction.[/caption] Au XIXe siècle, les Massaï étaient le peuple le plus nombreux et le plus puissant d’Afrique de l’Est. Éleveurs depuis toujours, ils vivent dans une nature hostile et peu généreuse. Il tombe à peine cinquante centimètres d’eau par an sur leurs plateaux, ce qui les oblige à effectuer des migrations périodiques pour trouver des pâturages. À l’inverse de leurs voisins Kikuyu, les Massaï ont toujours su résister aux sirènes du monde moderne. Ils ont refusé la sédentarisation et l’alliance avec les colons qui se sont installés sur leurs terres. Un chef est à la tête de chaque village. C’est lui le « laibon », et est, en général, l’ainé des guerriers. Il décide du jour où les adolescents sont en âge de subir la circoncision, donc de sortir de l’enfance pour aborder en adulte le monde des hommes. Les garçons âgés de 14 ans quittent le village, le crâne rasé, pour construire leur propre hutte en bouse de vache séchée. Ils y vivent seuls pendant huit ans, le temps pour eux d’apprendre à défendre le territoire, les traditions de la tribu, l’histoire des Masaï, les chants et les danses… Les Masaï chassent pour le plaisir, mais pas pour se nourrir. Ils ne consomment ni gibier, ni poissons, ni oiseaux, ni reptiles. Leur régime alimentaire est essentiellement lacté. Comme il n’y a pas de sel dans leur territoire, ils remédient à cette carence en buvant du sang de bœuf, mélangé au lait en cas de faiblesse ou de maladie. Le guerrier Masaï boit jusqu’à deux litres de lait par jour. Quant au sang, la méthode pour saigner les animaux sans dommage est ingénieuse : on enroule une lanière de cuir autour de l’animal en guise de garrot. La veine jugulaire est incisée au moyen d’une flèche portant à son extrémité un petit morceau de bois pour éviter une pénétration trop profonde. Après avoir donné à peu près deux litres de sang, la bête est relâchée. Le sang est aussi un remède contre la dysenterie. [caption id="attachment_76188" align="alignleft" width="300"] Madagascar est un membre fondateur de l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne (Asecna) et y a toujours été apprécié pour la qualité de ses cadres. Cette multinationale gère 16 000 000 km2 d’espace aérien en Afrique, fréquentés par cinq millions de passagers annuels. Il a malheureusement fallu qu’en 2003, quelques politico-techniciens malgaches de la vice-primature en charge du transport concoctent un incroyable retrait de la Grande Ile. Le schéma de rechange proposé était la création d’une sorte d’Asecna-bis au niveau du Comesa, avec la certitude que Madagascar en aurait le leadership. Le projet n’a pas mis longtemps à remonter jusqu’aux plus hautes sphères de l’Agence, provoquant une désapprobation générale. Il a fallu au gouvernement malgache une bonne dose d’humilité pour désavouer la tentative de partition, et rassurer les autres États-membres. Les séparatistes semblaient oublier les avantages technologiques et financiers offerts par l’appartenance à l’Agence communautaire, chose qu’il serait difficile de trouver ailleurs. [/caption] Quand un Masaï décide de se marier, il choisit « ses » promises et paie leur père. Une femme vaut environ trois vaches, deux moutons, et un bœuf. Pendant la période des transactions, l’homme apporte d’abord du miel aux femmes du clan de sa future épouse. Pour la deuxième étape, le miel est offert aux Anciens qui le boiront mélangé à de la bière. Le jour du mariage, le bétail est livré sans grande cérémonie. Devenue femme, l’épouse ne pourra plus jamais retourner seule dans sa famille. La première épouse construit sa maison à droite de l’entrée de la maison principale. La deuxième épouse occupera le côté gauche. Un homme très riche peut posséder jusqu’à vingt femmes, mais la moyenne se situe à cinq. Les femmes Masaï sont belles et aiment se livrer à toutes les coquetteries imaginables. Elles se parent d’une grande quantité de bijoux autour du cou, des bras, et des jambes : bracelets et colliers de perles multicolores, de métal étincelant, boucles d’oreilles en forme d’anneaux. La grosseur des trous au lobe de l’oreille et leur nombre dépend du goût de chacune. Les bijoux sont mis en place par un initié, et lui seul pourra les ôter. Les Masaï ont une perception très particulière de la justice. Neuf vaches doivent être données pour le vol d’un taureau. Chèvres et moutons sont dédommagés de la même manière. En cas de divorce, le père de la femme doit rendre au mari le nombre de têtes qu’il a reçues. Une loi on ne peut plus dissuasive… Un homme assassiné sera payé jusqu’à cent quarante-neuf ou deux cent quarante-neuf moutons par le meurtrier. Le neuf, chiffre magique, figure toujours dans le montant de la peine. Le prix de la femme, par contre, n’a jamais été établi, aucune femme n’ayant, semble-t-il, été assassinée ni en temps de guerre ni en temps de paix… Lettres sans frontières Julien est infirmier et travaille « sur le terrain », comme disent les bureaucrates des grandes villes. Il y a quelques années, il a eu le choix entre une place à Abidjan et une place en plein air ; il a choisi le métier qui, à son avis, apporte le plus de joie et de satisfaction, et il est devenu infirmier itinérant. Il va de village en village, de coin de brousse en coin de brousse afin de surveiller, vacciner, conseiller les hommes, les femmes, et surtout les enfants menacés de malaria, de malnutritions, et surtout de maladies aux noms tragiques : la lèpre, la tuberculose. Les ancêtres de Julien étaient de grands chasseurs, ils parcouraient la forêt ou la savane à la recherche d’animaux sauvages. À présent il suit les mêmes pistes que ses pères, il chasse de dangereux tueurs, les animaux méchants du grand troupeau de la maladie. C’est ainsi qu’il raconte ses propres histoires. Un jour, il n’y aura plus d’épidémies, ni de morts dans les villages. Ce ne sera plus leur royaume. « Julien est un idéaliste », disent ses amis de la grande ville, avec qui il a été à l’école des assistants médicaux ; la plupart de ses compagnons d’études ne comprennent pas très bien pourquoi il a choisi ce métier fatigant au lieu de travailler, bien habillé, bien à l’aise dans un bureau climatisé. Julien sourit largement lorsqu’ils le taquinent à ce propos. Ils l’appellent « le nouveau paysan », l’inventeur du retour à la terre ! Julien ne discute pas, il sait au fond de lui-même pourquoi il a choisi de parcourir sans cesse les pistes rouges de son pays. Il est né dans les faubourgs de la ville. Il veut retrouver la vérité de la vie africaine. Il sait que cette vérité se trouve dans l’horizon vert de la campagne, dans l’odeur du feu de bois, dans le courage du paysan lorsqu’il se bat contre les pluies, le soleil, les insectes, la maladie et la mort pour donner à son village la récolte capable de nourrir l’immense famille rurale. Il sait que c’est avec eux qu’il trouve son bonheur d’homme instruit. Il sait aussi que ces gens de la brousse sont les seuls qui peuvent lui apprendre plus que les livres. Les gens de la forêt et des villages de pisé et de bambous lui apprennent la vérité sur son sang, sa civilisation et ses traditions. Et surtout- Julien élargit encore son sourire en y pensant- il retrouve le bonheur de vivre, la sagesse devant le destin dans le regard des enfants à la pensée pure, dans leurs rires, dans leurs joies. En Afrique, le soleil ne met pas beaucoup de temps pour disparaître derrière de hautes couches de nuages. Le matin, le jour naît en quelques minutes et de même le soir, on dirait qu’un électricien s’empresse de tourner l’interrupteur magique des jours qui passent. Le crépuscule n’existe pas, et c’est dans l’obscurité presque totale que l’infirmier s’approche du petit garçon endormi. « Prends tes cachets », lui dit-il en lui secouant doucement l’épaule.  
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