Gestion communautaire des ressources naturelles : l’avenir de Madagascar


Les 16 et 17 novembre derniers à Antsirabe, une centaine de représentants de Com­munautés locales de base (plus connues dans la communauté environnementale par l’acronyme de COBA) se sont réunis. Ces associations commu­nautaires sont consacrées par la loi 96-025 portant sur la gestion locale sécurisée ou Gelose pour gérer les ressources naturelles de leur terroir à travers un contrat signé avec le Ministère chargé de l’Environne­ment et la Commune. Non seulement ces COBA ont pu se rencontrer et échanger leurs expériences de gestionnaires des forêts et autres ressources, mais elles ont aussi pu entendre et surtout se faire entendre des représen­tants de l’État – à savoir le Ministère de l’Environnement, de l’écologie et des forêts, ainsi que des partenaires techniques et financiers. C’est probablement la première fois qu’une telle rencontre a eu lieu en 20 ans et quelques exercices de la gestion communautaire à Madagascar. En effet, en 1996, dans le cadre du Plan national d’actions environnementales, Madagascar fut l’un des premiers pays d’Afrique à adopter un cadre légal pour la gestion communautaire des ressources naturelles. Les communautés locales étant plus proches des ressources naturelles, elles en seraient les meilleures gestionnaires ; d’autant plus que l’État ne pouvait couvrir la vaste étendue rurale du pays. À travers le contrat de transfert de gestion des ressources naturelles, l’État délègue la responsabilité de gestion des biens communs naturels aux COBA ; ces dernières voient leurs droits traditionnels sur les forêts, lacs, zones de pâturages, etc. confortés, en contrôlent l’accès et l’utilisation. L’exercice de ces droits et la possibilité de tirer des bénéfices économiques directs à travers une utilisation raisonnée des ressources ainsi transférées étaient censés motiver les COBA et pourquoi pas, les aider à améliorer leur sort économique. En 20 ans, la gestion de pas moins de 2.447.917 hectares de terroirs s’est vue confiée à des communautés locales, soit 1248 contrats mis en œuvre– soit près de 4% du territoire national. Le transfert de gestion des ressources naturelles à Madagascar est un sujet qui a attiré l’attention de beaucoup de chercheurs et de praticiens de l’environnement ; beaucoup ont eu leur mot à dire sur le sujet, mais pour la première fois à Antsirabe, ce sont ceux qui vivent cette expérience au quotidien qui ont parlé. 13 régions étaient représentées lors de cette rencontre. Les témoignages se suivent et se ressemblent : conflits internes ; impuissance face aux intrusions de toutes sortes – mineurs d’or ou de saphir, coupeurs de bois précieux, collecteurs de tortues, mais aussi des migrants et des investisseurs et face aux conflits d’utilisation de l’espace ; limites du dina ; insécurité ; manque de moyens pour mettre en œuvre les mesures de gestion ; faibles soutien et reconnaissance de l’État ; bénéfices économiques peu palpables par rapport à l’investissement en temps et efforts des communautés ; dépendance vis-à-vis des projets des partenaires techniques et financiers. Un sentiment général que ces COBA sont livrées à elles-mêmes dans l’accomplissement de leur mission. Et pourtant cette mission n’est autre que celle de préserver les écosystèmes naturels dont sont tributaires notre agriculture, notre tourisme, notre élevage, notre pêche, notre santé bref notre bien-être présent et futur ; mais aussi la mission de préserver un patrimoine naturel unique pour le reste du monde. Pourtant, lorsqu’elle est bien conçue, soutenue et appliquée, la gestion communautaire s’est révélée être un outil efficace de gestion des ressources naturelles, mais est aussi un levier de développement social et économique pour les communautés rurales les plus dépendantes de ces ressources. Par exemple, dans le corridor forestier de Marojejy-Tsaratanana Sud, devenu récemment une aire protégée, les commu­nautés gestionnaires mettent en œuvre de manière régulière un système de suivi de la biodiversité et des menaces, qui a permis de faire sensiblement baisser la déforestation dans leurs zone d’intervention. Mais la gestion communautaire, c’est aussi l’apprentissage de la démocratie et de la gouvernance transparente et équitable qui fait tant défaut à notre pays. Au sein de l’institution qu’est la COBA, les membres apprennent (ou réapprennent) à s’organiser autour d’un projet commun et d’un bien commun, à s’accorder sur des normes et règles communes et à les appliquer, à tenir des élections inclusives et transparentes, à tenir redevables les élus du bureau exécutif, à accepter l’alternance, etc. Alors voilà, nous avons ce dispositif et nous sommes forts de ces 20 ans d’expérience, il est temps d’en tirer des leçons et nous remobiliser – communautés, responsables techniques et politiques, collectivités, scientifiques, partenaires techniques et financiers – afin de consolider les succès obtenus, remédier aux faiblesses constatées et capitaliser sur la force de ce réseau de communautés engagées. Par Nanie Ratsifandrihamanana
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