Ne pas rester un dieu fainéant


«e pays et l’étranger assistaient donc au spectacle scandaleux de “gouvernements” formés à force de compromis, battus en brèche de toutes parts à peine étaient-ils réunis, ébranlés dans leur propre sein par les discordes et les dissidences, bientôt renversés par un vote qui n’exprimait, le plus souvent, que l’appétit impatient de candidats aux portefeuilles». Ainsi parlait de Gaulle. Toute ressemblance avec le Madagascar de 2018 serait purement fortuite puisque le général évoquait le spectacle de la Quatrième République française (1946-1958), ce régime qui faillit défaillir des crises indochinoise et algérienne mais qu’ébranla si peu la question malgache de 1947 : en douze ans donc de Quatrième République, vingt-cinq gouvernements, soit un tous les six mois, pour dix-huit chefs de gouvernement... Dans les «Mémoires d’Espoir» du général de Gaulle, ce texte appartient au chapitre «Le Renouveau» : la parenthèse initiale de 1958-1962 étant soldée par l’instauration de l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, adoptée par le référendum d’octobre 1962. Encore une fois, cette expérience française ne nous est pas indifférente puisque nos constitutions malgaches allaient également introduire cette combinaison d’une élection présidentielle au suffrage universel direct, avec l’instauration d’un domaine de la loi limitativement énuméré et de la décision de confier la loi des finances de l’antique «consentement à l’impôt» aux services techniques du Gouvernement. À plus forte raison, dans «L’État-spectacle» (Roger-Gérard Scwartzenberg, Flammarion, 1977), la tendance à la présidentialisation n’allait plus se démentir tandis que le «parlementarisme rationalisé» devenait chaque jour plus «corseté». L’élu du suffrage universel, comme le prophétisa le juriste Maurice Duverger, n’allait pas rester éternellement un «Dieu fainéant». Et Charles de Gaulle de continuer de se moquer : «À l’Élysée, les chefs de l’État présidaient avec résignation aux dérisoires figures de ballet» entre les «consultés», les «pressentis», les «investis». La situation aurait pu en rester là. Mais, ceux qui n’ont pas oublié les leçons de l’histoire savent qu’après le «spectacle scandaleux» de la Quatrième République (encore une fois, celle française, pas celle malgache), advint véritablement «Le Renouveau», d’efficacité et de responsabilité comme le revendiqueront ses concepteurs. La Constitution française de 1958, à l’adoption de laquelle l’électeur malgache avait pu être associé, s’est avérée un alliage de «solidité et plasticité» qui sut «apporter la stabilité mais autoriser l’alternance». La France avait pu la «réviser sans bouleverser, (la) moderniser sans nier, (l’)adapter sans détruire» (rapport fait au nom de la Commission des lois constitutionnelles, 15 mai 2008). Finalement, dès le 12 septembre 1962, le général de Gaulle pouvait s’en féliciter : «Les institutions ont fait leurs preuves. Avec elles, nous avons traversé des drames qui auraient emporté dix fois les précédentes Républiques». Sans doute qu’il y avait un esprit directeur, des publicistes (à l’école des Charles Eisenmann, Marcel Prelot, René Capitant, Georges Burdeau, Maurice Duverger, Jean Rivéro, André de Laubadère, Georges Vedel) qui ont su en codifier la quintessence, et la volonté politique d’en finir avec un «régime d’impuissance».
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