Les Miaramila, une armée de métier bien entrainée


La réforme de l’Armée de Radama Ier suit le deuxième traité anglo-malgache. Elle s’effectue de 1820 à 1822, et met au service du souverain une institution nouvelle, instrument efficace de la conquête. En effet, la conquête du Betsileo du Sud, marquée par le tragique épisode de la prise d’Ifandana, est menée de 1810 à 1812 par les troupes du roi de l’Imerina. L’expédition de 1817 en pays betsimisaraka, assujettit le Mpanjaka­mena de Toamasina, Jean René. Mais ces expéditions qui déplacent des dizaines de milliers de soldats, recrutés pendant la saison sèche parmi les paysans de l’Imerina, sont difficiles à conduire et affaiblissent le royaume. « La famine, les désordres qu’elle entrainait, menaçaient en permanence des effectifs considérables, dont la puissance militaire est relativement faible » (Histoire de Madagascar, ouvrage pour les Classes terminales, 1967). Cette réforme commence par la mise en place des Miaramila selon un nouveau système de recrutement. On passe de l’obligation militaire générale, traditionnelle pour les hommes libres, « à une armée de métier composée de corps d’élite bien entraînés ». Car « les équipements, les armes et les munitions, livrés par les Anglais, permettent la réduction des effectifs » (lire précédente Note). Au début, seuls les riches peuvent servir dans ces corps de troupe. Mais les nécessités de la conquête portent de 1 000 à plus de 14 000, en deux ans, les effectifs de l’armée régulière. Parallèlement, la création d’un nouvel impôt est décidée, puisque les civils ou « borizano » doivent supporter les charges de l’équipement et la subsistance des troupes. Une nouvelle hiérarchie militaire apparait aussi et le « voninahitra » prend ainsi un relief important. Du simple soldat (1er honneur) au général (10 honneurs), elle comporte dix échelons. « Mais le premier plaçait le simple soldat au-dessus des borizano ! » En même temps, une nouvelle discipline se développe avec l’instruction et l’entrainement de ces troupes. L’instruction est assurée par les Anglais Brady et Hastie et par le caporal français Robin. « Radama, en uniforme de commandant en chef, inspectait à cheval les champs de manœuvre où se forgeait sa puissance. » En outre, les soldats doivent couper leurs cheveux et « acceptèrent même, dit-on, la peine de mort pour les déserteurs ou les lâches, à Sahafa». Enfin, la nouvelle tactique rend inutiles les anciens fossés de défense qui tombent alors en ruines. Pourtant, la corvée subsiste et les « borizano furent employés plusieurs jours par semaine à des travaux d’aménagement routier encore bien timides ». L’expédition du Menabe (1822-1823) permet de mesurer l’efficacité du nouvel instrument militaire. « La supériorité de l’armement et la discipline de la troupe eurent raison de la féodalité de l’Ouest sakalava.» Radama atteint Mahabo où règne Ramitraho dont il épouse la fille, la princesse Rasalimo. Des garnisons merina s’établissent dans les points stratégiques qui jalonnent la route de l’Ouest, la localité de Tsiroanomandidy est ainsi fondée. Radama comme son père, Andrianam­poinimerina, veut être le chef suprême. Sa puissance militaire facilite l’accroissement de son pouvoir. La réforme militaire modifie sensiblement la société. « Les Miaramila jouissent de nouveaux privilèges dans leurs conditions de soldats.» Des Hova parviennent au sommet des honneurs et prennent, dans le royaume, une place importante. En revanche, les charges des civils deviennent plus lourdes. La corvée les frappe malgré leurs conditions d’hommes libres car les soldats de métier y échappent. Ce « fanompoana », dure redevance en travail, mobilise plusieurs jours par semaine, les civils au service du roi et de ses mandataires. D’autres impôts s’ajoutent à ceux du règne précédent : contribution militaire, taxes douanières frappant les consommateurs, impôt sur l’arak (alcool). « Le peuple ne participe plus directement à la défense ou aux expéditions militaires, mais il supporte par son travail les charges nouvelles de la monarchie conquérante. » Bref, tout ceci fait des mécontents. Tels ceux qui s’enrichissent par la traite. Les anciens chefs militaires andriana, en particulier, regrettent l’ancien système. Ils regroupent autour d’eux les mécontents et les traditionnalistes inquiets de leur caste. Ils manifestent leur opposition en rejetant les innovations du monarque, l’enseignement et les techniques nouvelles. Ils souhaitent le retour à l’isolement malgache. Mais les commerçants, dont le volume des affaires s’accroit en vertu des relations anglo- malgaches, souhaitent au contraire l’augmentation des échanges. De nombreux Hova enrichis se déclarent partisans de l’influence anglaise.
Plus récente Plus ancienne