La Réunion - Un marin malgache raconte son calvaire


Une soixantaine de marins malgaches sont employés à bord des palangriers de l'armement Enez . Quatre d'entre eux ont déposé plainte sur leurs conditions de vie et de travail sur le port. L'un d'entre eux a accepté de témoigner. Rencontre. lls sont quatre. Quatre marins malgaches à être aujourd'hui engagés dans une procédure contre l'armement de pêche Enez qui les emploie (lire notre édition du 9 juin). Représentés par Me Jospeh Breham, ils ont déposé une plainte auprès du procureur de la République. «Contrairement à ce qui a été dit, nous ne sommes pas en guerre contre Enez, nous ne voulons pas que la boîte ferme. Nous portons plainte contre nos conditions de travail, nous voulons juste que les normes internationales soient respectées», explique Romain(*), matelot pour Enez depuis une dizaine d'années. Il préfère, pour l'instant garder l'anonymat. Marin sur un des treize palangriers qui opèrent au large des côtes réunionnaises pour la pêche au thon et à l'espadon, Romain fait partie de la soixantaine de Malgaches embauchés par la société de manning Extramar (basée à Tamatave), spécialisée dans le recrutement de personnel marin pour les armements étrangers. Il passe plus de 6 mois à La Réunion où il stationne entre deux marées. Problème, les marins malgaches, contrairement aux équipages métropolitains et réunionnais, sont obligés de rester sur les bateaux, à quai. Des inégalités L'armement qui les fait travailler ne leur a pas prévu de lieu de résidence en dehors de la zone portuaire. Alors ils dorment sur leurs navires ou sur le bateau hôtel, le «Cap Cloé» quand des travaux sont en cours ou que les bateaux repartent pêcher. Ils restent ainsi 15 jours, parfois un mois. Officiellement, ils ne peuvent pas non plus quitter le port car ils ne disposent que d'un visa de 24 heures qui les autorise à faire le trajet entre l'aéroport et le port le jour de leur arrivée à la Réunion. Depuis la médiatisation de leur affaire la semaine dernière, Enez a condamné le «Cap Cloé» et envoyé certains marins dormir dans le local de l'Apostolat de la mer. Romain est là depuis la fin de l'année dernière. Depuis 10 ans, il renouvelle chaque année son contrat de six mois avec quatre mois d'essai', précise-t-il. Une partie de son salaire est payée par Extramar qui lui verse 50 euros par mois, une prime de délégation familiale de 16 euros et des droits de congés variables. Enez verse de son côté un salaire de 130 à 150 euros auquel différentes primes qui varient en fonction de la pêche. «Je ne suis pas payé au mois, mais à la marée. Avec une bonne pêche, on reçoit entre 330 et 340 euros», précise Romain. Pour se nourrir, il doit faire avec une indemnité de repas de 7 euros par jour. «On ne fait rien avec 7 euros! On peut à peine acheter une barquette et se nourrir le midi. Et ensuite, on ne mange ni le matin, ni le soir ' Quand on revient de pêche, on est fatigué. On sort du port pour téléphoner à la famille ou acheter à manger», raconte Romain. Les marins font maintenant face à un nouveau problème : avec leur visa de transit, la Poste leur refuse le droit de retirer de l'argent sur leur compte bancaire où sont versés les salaires. «On nous demande un visa normal», explique Romain qui fait vivre toute sa famille à Madagascar avec son travail. «On aime notre travail, on aime ce qu'on fait, mais ce n'est pas normal, on doit être payé comme les autres marins.» Embarqué aux côtés de métropolitains et de Réunionnais, le marin ne comprend pas pourquoi il ne peut pas bénéficier de la même rémunération. à Maurice, les marins malgaches ont même droit à un certificat de travail. Il n'y a qu'à la Réunion que nous avons des conditions pareilles.' Les marins étrangers doivent toucher le même salaire que les marins français. «Cela fait 3 ans que nous demandons une augmentation à notre armement et il refuse. Nous réclamons simplement un salaire juste. Le salaire international» est de 614 dollars par mois normalement (521 euros), indique Romain. Si nous ne pouvons pas avoir comme les marins français, alors nous demandons au moins un minimum. Pourquoi devons-nous avoir un salaire différent pour le même travail ' Enez nous a dit qu'il allait réfléchir à augmenter la prime de 7 euros et à installer des chambres climatisées près des quais. Mais ce ne sont que des paroles pour l'instant. ' Le marin, comme les trois autres engagés dans la procédure devant la justice, se demande maintenant si son contrat sera renouvelé l'an prochain. Ou s'il subira des représailles et sera puni d'avoir voulu défendre ses conditions de travail. © JIR
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