Punching-ball


Faire la queue pendant des heures, quitte à sacrifier toute sa demi-journée pour obtenir ce que le droit nous accorde, on le fait. S'acquitter dans l'urgence de diverses paperasseries dont on ne nous informe l'existence qu'au dernier moment, on le fait. Essayer de comprendre une logique administrative qui ne répond pas toujours à celle du commun des mortels, on le fait. Ne plus compter les allées et venues, dans l'attente de tel responsable qui apposera sa signature sur tel document, dans l'attente de tel document signé mais égaré dans les méandres de l'administration, dans l'espoir que le document signé, égaré, renouvelé et présenté à nouveau soit livré à temps...On le fait. Malgré les efforts consentis, certes, en rongeant son frein, pour obtenir ce que l'on demande, on se rend toujours compte qu'au final, on est toujours le maillon maltraité de la chaîne. Ainsi, c'est le raisonnement. Que l'on soit contribuable, client d'une banque ou d'un restaurant, usager d'une compagnie de téléphonie mobile ou d'un autobus, c'est donc à nous, usagers, abonnés, acheteurs, visiteurs de faire les efforts nécessaires pour être bien accueillis. Ce, non pas parce que des précédents négatifs auront justifiés un comportement cynique à nos égards. Non pas parce que nous étions discourtois, en retard, ni même négligents... Non, c'est parce que nous sommes clients, usagers, contribuables. Le service client, l'assistance à l'usager, la courtoisie envers ses visiteurs, ou la courtoisie tout court, voilà des choses bien désuètes, remplacés par la manie de tirer une tronche de six pieds de long à l'approche de «l'ennemi». Quelques phrases cassantes, indifférentes à la situation, voire même, des mots franchement déplacés, pourquoi pas, tant qu'on y est. Plus la personne parait fragile, plus l'échange est expéditive et inconvenante pour passer au prochain client. Sans compter le stress presque visible de ceux, venus de loin, qui avaient une existence simple avant de devoir affronter les sinuosités procé­durières pour faire valoir leurs droits. Et qui y vont, genoux tremblants, pour essayer de se faire aider sans se faire malmener. La façon inconvenante fait hémorragie jusqu'aux petites boutiques, petites échoppes où vendeurs et commerciaux s'adressent aux clients avec de telles manières cavalières, qu'on s'en veut presque de poser des questions. Désormais, sur certains bus d'Antananarivo, un avertissement est donné aux usagers : «Assurez-vous d'avoir de la petite monnaie sur vous, pour éviter tout problème entre vous et le receveur». Une note bien menaçante qui signifie que si le client ne se plie pas aux règles, les «problèmes» pourraient survenir. Au final, cette habitude très tananarivienne est usante. N'est-il pas possible d'avoir simplement des habitudes correctes, comme de saluer, de remercier, d'expliquer avec des mots clairs le processus en cours, d'assurer le service demandé sans intimidation ni mépris, de répondre aux questions si ce n'est avec politesse, au moins sans «teny an'anavona» - formule expressément citée en malgache car il semble qu'elle prend son plein et désagréable sens dans notre langue maternelle. On ne s'attend pas à lier des amitiés éternelles, ni même éphémères, mais à être accueilli avec une bonne vieille politesse toute bête. Si on ne peut être le client roi, que l'on ne soit pas le client punching-ball. Par Mialisoa Randriamampianina
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