Quatre saisons pour une contrée bénie des dieux


Le pays betsileo est d'une douceur remarquable. Malheureu­sement il est gâté par des brises souvent très froides qui soufflent de l'Est et sont souvent accompagnés de brouillards. « Le thermomètre varie de 3° à 27° suivant les saisons », précise le Dr Besson, résident français à Fianarantsoa, chef-lieu de la province. Celui-ci rappelle que les habitants des Hautes-terres divisent l'année en quatre saisons bien tranchées. Le « lohataona » (tête de l'année) ou printemps s'étend approximativement du 15 août au 15 novembre. « C'est l'époque de la germination. » Le « fahavaratra » ou saison des grandes pluies, court du 15 novembre au 15 février. Le « fararano » ou arrière-saison, automne, va du 15 février au 15 mai. C'est l'époque des moissons et des principales récoltes (riz, maïs, sorgho, patates, haricots, etc.). La quatrième saison est le « ririnina » ou hiver, du 15 mai au 15 août. C'est une saison relativement très froide car on voit le thermomètre descendre à 2° ou 3° et les feuilles se couvrir parfois de givre. En outre, l'atmosphère est refroidie par les brises, les bruines et les brouillards glacés de l'Est. Pendant le « ririnina», la végétation subit un temps d'arrêt bien marqué et la plupart des arbres se dépouillent de leur feuillage, comme en Europe pendant l'hiver. Cette « excellence du climat » et les qualités du sol font que le pays abonde en ressources de toutes natures. « Tous les légumes et les autres produits de l'Europe viennent remarquablement bien, sur presque tous les points de la province, ainsi que tous nos arbres fruitiers et l'on peut voir dans les jardins le pommier, le pêcher, le prunier, l'abricotier, le cerisier, le poirier, la vigne, le châtaignier, le noyer même vivant côte à côte avec le bananier, le caféier, l'avocatier, le manguier, le bibassier, le jambrosa, le goyavier, etc. Le pommier et le pêcher réussissent particulièrement bien et donnent d'excellents fruits. » En outre, l'élevage pourra donner de bons résultats, surtout le jour où la pratique de l'ensilage des fourrages verts permettra de constituer des approvisionnements pour la saison sèche. Mais « par insouciance, imprévoyance et paresse des indigènes, la grande majorité des fourrages est perdue pour le bétail ». Or, si les bovidés trouvent partout une nourriture surabondante pendant la saison des pluies, les herbes se dessèchent sinon perdent leurs sucs et leurs qualités nutritives par la suite, d'où amaigrissement du bétail. À la fin du XIXe siècle, « plus de 2 millions ha de terrains herbeux ou terrains de parcours suffisent à peine à la prospérité de moins de 100 000 têtes de bétail, ce qui représente 20 ha par tête »! Autrefois, les chefs du pays, Tompo­menakely et Andevohova, se sont attribués la possession de tous les terrains herbeux de leurs fiefs ou districts et en ont prohibé le parcours aux troupeaux des simples habitants. Ainsi, de nombreux Kabary accompagnés d'ordres sévères ont déclaré tous les terrains herbeux comme biens domaniaux dans le but d'en assurer la jouissance soit aux colons, soit aux indigènes éleveurs de bétail. Quoique pasteurs, les Betsileo sont essentiellement sédentaires. Ils élèvent leurs troupeaux à proximité de leurs fermes dans les « vala », trouvant toujours des pâturages assez abondants sans avoir besoin de se transporter au loin. « Les prohibitions et les tracasseries des Tompomenakely et des Andevohova s'opposaient autrefois au développement de l'élevage dans le pays. » Mais par suite de la suppression des droits abusifs de ces notables locaux avec l'arrivée des colonisateurs, « cet élevage est désormais appelé à prendre un nouvel essor ». Toutefois, bien qu'étant éleveurs, les Betsileo surtout des campagnes mangent rarement de la viande en dehors des jours de fêtes coutumières. Son alimentation comme celle de tous les Malgaches est basée sur le riz, le manioc et la patate douce. Ils préfèrent réserver pour le marché leurs bœufs, leurs moutons, leurs porcs et leurs volailles. L'eau est leur boisson en temps ordinaire, mais ils font pourtant un abus excessif du rhum. En revanche, « le vin, la bière, le thé et le café ne leur sont guère connus que de nom. Ils apprécient cependant beaucoup ces boissons et il n'est pas douteux qu'ils en fassent usage lorsque notre occupation prolongée leur aura créé des besoins et l'amour du bien-être ». Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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