Un peu trop près de Dieu


Beit ha-Mikdah (hébreu) ou Bayit al-Maqdis (arabe) : le temple, Jérusalem la ville du temple de Salomon, la capitale du roi David. Il me semble que, quand on parle de Jérusalem, c’est d’abord pour évoquer «Le mur des Lamentations», dernier vestige du temple juif que les troupes romaines de Titus avaient détruit en l’an 70, voilà près de 2000 ans. Certes, un élément de langage nous fait réciter que la ville est trois fois sainte pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, mais l’histoire est têtue : le tombeau de Jésus (chrétien) ou la mosquée al-aqsa (musulman) ne peuvent avoir précédé le culte juif dans Jérusalem (ainsi qu’à Jéricho, Béthanie, Hébron, Béthléem, Nazareth, Tibériade, Galilée...). C’est le 23 janvier 1950 que l’assemblée israélienne, le Knesset, a proclamé Jérusalem comme capitale d’Israël, tandis que l’ONU s’employait à internationaliser la Ville. Cette proclamation, on l’aura compris, n’était qu’une officialisation. Et c’est exactement ce que disent deux anciens ambassadeurs des États-Unis en Israël. Daniel Shapiro (ambassadeur de 2011 à 2017) : «Jérusalem est la capitale d’Israël et il est approprié de le reconnaître en tant que tel. L’opportunité manquée, ici, toutefois, c’est l’échec à inscrire cette décision dans le contexte de la réalisation de notre objectif stratégique plus large, qui est une solution à deux États». Edward Walker Jr (ambassadeur de 1997 à 1999) : «Je pense qu’il est temps. Nous avons été négligents de ne pas reconnaître la réalité telle qu’elle est. Nous savons tous qu’Israël a une capitale. Nous savons tous qu’elle s’appelle Jérusalem. Et, au cours de mes 35 années de service au Moyen-Orient, personne n’a jamais remis cela en question». Quant aux voix musulmanes de la raison, elles ont du mal à se faire entendre. Celle de l’émirati Khalaf Ahmad Al-Habtoor, qui, certes, écrivait avant la déclaration de Donald Trump : «reality dictates that pragmatism must prevail over what has become a mirage. I was once an idealist ; no longer. Unrealistic dreams are of no use to a people yearning for a place where they can live peacefully and prosper in dignity». Il en appelle au courage d’idées nouvelles, évoque l’idée d’une solution à deux États, mais ne balaie pas la coexistence pacifique et digne des Israéliens et des Palestiniens au sein d’un État unique. Celle également du Pakistanais Mobarak Haidar. Depuis 1400 ans, dit-il, et la conquête de la Kaaba à La Mecque, les musulmans n’ont plus jamais prié tournés vers Jérusalem qui est saint grâce aux prophètes d’Israël, depuis Moïse jusqu’à Jésus ; les chrétiens avaient pu être maîtres de Jérusalem avant la naissance de l’islam et Jérusalem demeure une ville sainte pour les chrétiens, mais les chrétiens ne revendiquent pas pour autant la propriété de Jérusalem ; les musulmans n’ont aucun droit religieux à gouverner Jérusalem ; il fait remarquer que, jamais, les musulmans d’Iran, du sub-continent indien, d’Asie du Sud-Est, d’Afrique, n’ont été maîtres de Jérusalem et ne peuvent donc prétendre qu’à de liens spirituels. «Un peu trop près de Dieu» est le titre d’un ouvrage (2000) de David Horovitz, ancien rédacteur en chef du Jérusalem Post et fondateur, en 2012, du journal en ligne «The Times of Israël». Un peu trop près de Dieu, trois fois trop près de Dieu, c’est la tragédie de cette Terre dite promise. Il y a 2000 ans, les Romains détruisaient le temple juif. Le 26 août 1098, précédant donc la prise de Jérusalem par la Croisade du 15 juillet 1099, ce sont les Fatimides d’Égypte qui en avaient chassé les soldats turcs du calife de Bagdad. Plus tôt encore, dès le 1er août 1096, répondant plus rapidement à l’appel du Pape Urbain II du 27 novembre 1095, la «croisade populaire» conduite par Pierre l’Érmite arrive à Constantinople : cohorte sans armes mais en guenilles qui se livra au brigandage et à des pogroms antisémites en route. Avant d’être à son tour victime : 12.000 chrétiens auraient été massacrés par les troupes ottomanes dans la seule journée du 10 août 1096. À chaque «alternance», les populations locales, chrétienne ou musulmane, mais plus généralement juive, seront massacrées. Mœurs «ordinaires» de ces temps barbares, qui n’en soulignent que davantage la «magnanimité» dont fit preuve Saladin après sa conquête de Jérusalem le 2 octobre 1187, non sans avoir fait exécuter 300 Templiers et envoyé à l’esclavage dix milliers de jeunes... Huit siècles plus tard, le 9 décembre 1917, un mois après la «déclaration Balfour» et juste à temps pour Noël, le général britannique Allenby entrait à pied dans Jérusalem, arrachée aux troupes ottomanes, signant le grand retour des chrétiens dans la Ville Sainte. Tant de personnages illustres assassinés : Lord Moyne, le comte Bernadotte, Itzhak Rabin. Trop d’enfants, de femmes, d’hommes, juifs, chrétiens, musulmans, inutilement sacrifiés. Jérusalem, en la «Terre promise», au coeur du «Croissant fertile» : un pôle sur les eaux du Nil, un autre pôle sur celles du Jourdain, un dernier pôle entre Tigre et Euphrate. Pour ainsi dire, c’est là préférentiellement que L’Homme créa Dieu. Les gens, plutôt que de lire uniquement la Torah, la Bible ou le Coran, avec des oeillères, devraient consulter les livres d’histoire. Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja
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