Une dévaluation continuelle du franc favorable aux emprunteurs


1905-1939, l’économie malgache se transforme sous l’administration coloniale. Les auteurs de l’ Histoire de Madagascar de 1967, examinent les conditions de la mise en valeur afin de dégager les caractères originaux de l’économie coloniale à Madagascar, pour mieux comprendre les problèmes humains. Pour commencer, ils abordent les conditions nouvelles de la vie économique. Le crédit et les capitaux sont indispensables au développement des affaires. « Gallieni souhaitait attirer les grosses fortunes dans la Grande ile, plutôt que les colons peu nantis.» Ils reviennent alors sur les bases financières sur lesquelles repose l’activité des hommes pendant cette période. Parlant de la monnaie, les auteurs de l’œuvre scolaire insistent sur l’insuffisance de l’argent qui a paralysé les échanges au début de la colonisation. La situation se prolonge malgré l’introduction dans l’ile de pièces d’argent français. Les estimations en valeur pour la monnaie métallique sont de cinq millions de francs or en 1905, cinquante millions en 1914, quarante millions en 1923. «La monnaie fiduciaire apparut au cours de la première guerre mondiale alors que les pièces se faisaient rares. » Ainsi, en 1923, quatre vingt millions en billets circulent déjà, soit deux fois plus la valeur que les pièces de monnaie. En 1926, la Banque de Madagascar est constituée avec le privilège d’émission. Ainsi, «la monnaie fiduciaire, billets de banque, chasse la monnaie d’argent». En 1938, 398 millions en billets constituent la masse monétaire. Du fait des dévaluations de 1926 et de 1936, c’est nettement insuffisant pour assurer des échanges normaux. « Il suffit de calculer la quantité de pièces ou de billets par habitant (15 francs en 1924, 35 francs en 1923, à peine plus de 100 francs en 1938), pour comprendre la prédominance du troc à Madagascar. L’économie paysanne est, dans la plupart des cas, comme autrefois, une autosubsistance.» Chacun produit par ses propres moyens la majeure partie des objets dont il a besoin. « On échange beaucoup plus souvent qu’on achète. » En parallèle, la faiblesse du budget chiffré est également frappante et s’explique par les mêmes raisons. Les possibilités financières de l’Administration sont réduites. Les taxes perçues sur le troupeau et la capitation constituent l’essentiel des ressources. «Les Malgaches versent à peu près la moitié du montant des recettes.» Le traitement des fonctionnaires absorbe plus des cinquièmes du budget, l’appareil administratif est très lourd pour la Colonie. « Ces considérations permettent de comprendre la politique d’emprunt menée par les gouverneurs et préconisée par les colons, après Hubert Garbit.» Parfois, les subventions métropolitaines viennent s’ajouter à ces ressources. Dans tous les cas, la dévaluation continuelle du franc- la monnaie de Madagascar étant rattachée au franc français- favorise les emprunteurs et, de ce fait, les réalisations dans la Grande ile. Le système des prestations et, à partir de 1926, le Service de la main-d’œuvre des travaux d’intérêt général, Smotig, ont permis d’utiliser une main-d’œuvre nombreuse à moindre frais. Et comme il est rare, l’argent coûte très cher à Madagascar. De 1905 à 1919, le taux de l’escompte varie entre 12% et 18%, ce qui est énorme et défavorise les affaires. Au début, en l’absence des banques, les compagnies prêtent aux commerçants et, plus rarement, aux planteurs. Le Comptoir d’escompte de Paris exerce ensuite un véritable monopole bancaire. À partir de 1919, le Crédit foncier de Madagascar fonctionne, mais ne prête qu’à ceux qui sont solidement établis dans l’ile. Dans ces conditions, les colons connaissent de grandes difficultés pour emprunter de l’argent. «Les trois cinquièmes des capitaux sont détenus par les compagnies commerciales. » Ainsi, en l’absence de moyens normaux de crédit, l’usure se pratique couramment à Madagascar. «Les particuliers sont encore plus avides de profit que les organismes bancaires.» Ce qui entraine des conséquences désastreuses. Parmi les nouvelles conditions de la vie économique, on peut enfin citer le développement des transports et l’équipement, la mise en valeur foncière et l’essor du secteur commercial.
Plus récente Plus ancienne