Quatre points littoraux mis sur la balance


L'idée de joindre le Betsileo à la mer par un chemin de fer n'est pas nouvelle. Voici ce qu'écrit l'ingénieur Pain cité par le colonel Forgeot dans son rapport sur le futur tracé: « Quelques mois après la prise de Tananarive, dès le début de 1896, une société se forma en France sous le titre de Société auxiliaire de colonisation, dans le but de créer une communication directe entre Fianarantsoa et la côte Est. Cette communication devait être une route à péage et ultérieurement, un chemin de fer avec comme port d'aboutissement l'embouchure du Faraony. Le tonnage des marchandises transitant annuellement sur Fianarantsoa est alors estimé à 4 500 tonnes.» Un projet de loi concédant cette voie de communication à la Société est déposée en 1897, mais n'est jamais ratifié. Il est ensuite abandonné car l'entreprise réclame une garantie jusqu'à ce que le trafic total de la ligne atteigne 15 000 tonnes. Une décision ministérielle du 7 février 1899 prononce la résolution de la convention passée avec la Société. Toutefois, la construction du TCE (Tananarive-côte Est jusqu'à Toamasina) commencée en 1901 au milieu de difficultés sans nombre, fait ajourner celle du FCE (Fianaran­tsoa-côte Est jusqu'à un point du littoral Sud-est). L'idée est reprise en 1915 et la construction est décidée. Une mission d'études est chargée de rechercher le point d'aboutissement du chemin de fer. Les instructions que reçoit du gouverneur général Hubert Garbit l'ingénieur Bidel précisent: « Si des raisons d'ordre technique ou financier s'opposaient au choix de Mananjary, la mission devrait rechercher un autre point utilisable à cet effet, aussi rapproché que possible de Mananjary. Elle devrait en particulier porter son attention sur la région de Manakara. » Bidel conclut que l'emplacement du port ne peut être déterminé qu'après évaluation du prix de construction de la ligne. L'étude du tracé éventuel est confiée au sous-ingénieur Mangin. Il résulte de ses travaux que deux tracés sont à retenir, Ambohimahasoa-Mananjary et Fianaran­tsoa-Manakara ou embouchure du Faraony. Mais comme certaines hésitations subsistent, Hubert Garbit décide de créer une brigade d'études qui relèverait un tracé avec comme point d'aboutissement Mananjary (1916). Une Commission comprenant trois personnes est nommée le 8 septembre. Elle a pour mission d'examiner les avantages et les inconvénients que présente chacun des points de la côte susceptibles d'être choisis comme tête de ligne, notamment la baie de Faraony, Mahela et surtout Mananjary et Manakara. Elle commence ses opérations dans cette dernière ville, le 5 octobre 1920 et obtient d'Hubert Garbit d'envisager également le point de vue économique. Elle préconise d'abord un point jusqu'alors négligé, le lac de Marohita situé entre Manakara et Mananjary et qui, séparé de la mer par 180m de dune, présente des fonds susceptibles d'être utilisés pour un port en eau profonde. Toutefois, un banc rocheux très dense se trouve sous la dune et les travaux considérables qu'il aurait fallu exécuter pour le percer, font renoncer à ce choix. La Commission conclut à l'adoption de Manakara comme terminus de la ligne du Betsileo, écartant définitivement Mananjary, l'embouchure du Faraony et la baie de Mahela au nord de Mananjary, dont il a aussi été question un moment. Le choix de Manakara s'explique par le fait que cette ville se trouve dans l'axe économique et géographique des régions dépendant du Betsileo- pays tanala, anciennes provinces de Mananjary, de Manakara et de Farafangana-. La zone d'influence du chemin de fer à construire ne risque pas d'empiéter sur les régions desservie par la ligne Tananarive-côte Est (vers Toamasina). De plus, le tracé par Manakara réduit de 41km le trajet de Fianarantsoa à la côte et l'économie qui en résulte, représente sensiblement les dépenses à envisager pour la construction du port de Manakara. Ainsi, l'exploitation permet de réaliser une économie sur les transports et réduit de ce fait les charges qui pèsent sur les produits à la descente. En outre, le profil du tracé passant par Manakara est moins tourmenté que celui qu'il aurait fallu adopter pour aboutir à Mananjary: il nécessite une dépense moindre à la fois pour le coût de construction et pour celui d'exploitation, d'où économie dont bénéficieront les usagers. La création d'un port à Manakara sera également moins onéreuse qu'à Mananjary. Enfin, les facilités qu'y offrira le débarquement du matériel nécessaire au chemin de fer, la fixité des sables, la présence d'un seuil rocheux abritant l'estuaire et d'autres considérations techniques militent en faveur du choix de Manakara. De surcroît, Mananjary est déjà une petite ville prospère et une colonisation importante et ancienne met en valeur la vallée du Mananjary et de ses affluents. Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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