Une politique européenne maladroite de la Traite


À la fin du XVIIIe siècle, l'océan Indien est le cadre de grands négoces, la traite d'esclaves, de bœufs et de riz dans le sens Madagascar-Mascareignes et, dans le sens inverse, le commerce porte sur les produits manufacturés (armes, toiles, alcool...). Ce commerce joue un rôle important dans les relations extérieures de la Grande île et dépasse largement son lieu de prédilection, la côte orientale, pour s'étendre sur les Hautes-terres, pays sihanaka, bezanozano et merina. Le voyageur Mayeur, un des plus agissants de la Traite du XVIIIe siècle, ajoute en annexe à son. « Voyage dans le Nord de Madagascar » (novembre 1774-janvier 1776) une pièce sur le sujet. Son écrit se rapporte à l'époque de l'après-Laval, qui dirige la Traite des Indes. En 1767, il est remplacé par Glémet lors du transfert de l'Ile de France au roi français, mais il se retrouve à nouveau régisseur des traites un an plus tard. Mayeur évoque « les variations dans les prix des objets de traite et de leurs causes ». Tant que la Compagnie des Indes et le roi monopolisent le commerce dans la Grande île, des comptoirs existent un peu partout sur le littoral Est: Toamasina, Foulpointe, Fenoarivo, Manakara, dans la baie d'Antongil. Les prix sont uniformes ainsi que la mesure du riz; de même, le coût des produits manufacturés est fixé sur des bases connues et agréées de part et d'autre. Plus tard, la Traite est autorisée aux particuliers favorisant la concurrence. Ainsi, le prix d'un esclave oscille entre 23 et 62 piastres, celui du bœuf entre 4 et 8 piastres, et le riz, une demi-piastre la mesure de 60 livres contre 90 livres auparavant. Aussi Mayeur suggère-t-il « que le commerce de l'intérieur devait être laissé exclusivement aux gens du pays. On s'abusait étrangement en croyant que la fomentation des divisions entre les naturels était une politique conforme aux intérêts des Européens ». Expliquant ses affirmations, Mayeur déclare que si auparavant, les Malgaches ont été obligés d'apporter leur riz aux comptoirs dont ils sont proches, la concurrence non seulement fait hausser le prix, mais aussi transforme des villages en autant de postes de vente. Et ce n'est pas tout. Après avoir vendu leur riz, « les Madécasses l'abandonnent et il faut refaire avec eux pour le transport un second traité presqu'aussi onéreux que le premier ». Il souligne que les Malgaches, conscients des besoins des Français, ne consentiraient jamais à diminuer les prix élevés auxquels la concurrence donne lieu. Concernant la provocation de conflits entre autochtones dans l'idée que c'est un moyen sûr de se procurer un plus grand nombre d'esclaves, Mayeur conteste cette politique européenne. Pour lui, ce n'est pas au milieu des incendies, des dévastations et autres fléaux entraînés par la guerre que le commerce peut se développer. Il cite ainsi l'exemple de la guerre faite par Labigorne au roi de Foulpointe, Zanahary, fils de Ratsimilaho, en 1751 et 1760. Dans le premier conflit, un relevé exact des ventes d'esclaves qui s'ensuivent, fait état de 250 individus sur 2 000 prisonniers exportés pour la Traite; dans le second cas, sur 2 500 prisonniers, seuls 200 sont vendus. « Dans une troisième guerre semblable en 1781 contre le même prince, le nombre des prisonniers s'éleva à 1 500 et celui des esclaves à 150 tout au plus. » Les raisons de cette disproportion sont simples. La première est qu'il s'agit de guerres civiles et les guerriers en conflit sont, pour la plupart, ou parents ou alliés. À la fin des hostilités, les vainqueurs rendent la liberté à leurs prisonniers ou en font des échanges contre ceux des leurs pris par l'ennemi. En second lieu, la population de la province de Foulpointe qui trafique dans l'intérieur avec le projet de vendre leurs esclaves aux négociants, en voyant la guerre allumée, ne les vend pas, mais les garde pour les échanges nécessités par le conflit. Enfin, occupés à se fortifier et à se défendre, ou ils abandonnent tout à fait la Traite à l'intérieur des terres, ou ils ne la font qu'avec beaucoup de risques. Les esclaves deviennent ainsi rares, ce qui fait augmenter le prix disproportionné comparé à celui des marchandises manufacturées. Ce qui est aussi valable pour le riz et les bœufs. Texte : Pela Ravalitera - Photo: Archives personnelles
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