Deux mamans pour Radama Ier


Andrianampoinimerina conquiert les villages de l’ouest de la capitale, grâce à l’aide de deux longs pavillons « saina » et d’une idole « sampy » (lire précédente Note). À ce propos, J.-C. Hébert (Revue Omaly sy Anio , N°10, deuxième trimestre 1979) fait remarquer que les « saina » concurrencent sérieusement les « sampy » dans leur efficacité magique. Auparavant, Christian G. Mantaux fait paraitre une étude richement illustrée sur les « Emblèmes malgaches anciens, Sceaux et drapeaux de 1787 à 1897 ») dans le numéro spécial de la Revue de Madagascar sur les dix ans d’indépendance de Madagascar (N°49-50, 1er et 2e trimestres 1970). Concernant Radama Ier, voici ce qu’il écrit : « Déjà tout enfant, son père le faisait accompagner dans ses déplacements par deux étendards, l’un blanc Mahazovola (qui donne l’argent), l’autre rouge Mahazotany (qui donne la terre), le premier arborant la couleur de l’idole Kelimalaza et l’autre, celui de Manjakatsiroa et Fantaka (…) Pendant les premières années de son règne, il réunit les deux couleurs des idoles vénérées de ses ancêtres pour en faire un, les deux couleurs étant disposées en bandes horizontales avec le blanc en partie supérieure et le rouge en inférieure (…) Les peuples de la Côte sont familiarisés depuis longtemps avec ces emblèmes. Et c’est précédé d’un drapeau rouge ou blanc qu’ils viennent en Imerina piller les villages. » Selon J.-C. Hébert, cette dernière assertion est empruntée par Mantaux à J. Carol (« Chez les Hova », 1896). Mais revenons à la conquête des villages à l’ouest d’Antananarivo. Andrianampoi­nimerina peut s’emparer de la partie de Marovatana située à l’ouest d’Ambohidratrimo, grâce à l’idole Manjakatsiroa et à ses deux longs pavillons, de couleurs blanche et rouge. « Tout le Marovatana ouest se soumit bien qu’Ambohidratrimo ne fût pas encore pris » (Tantara ny Andriana eto Madagascar, RP Callet). Mais bientôt, Rabehety (Andriantomponi­merina) est abandonné de tous ses sujets. Avec quelques guerriers, il se réfugie d’abord à Ambohitrimanjaka, sur la rive sud de l’Ikopa, où règne son frère Andrianilana. « Lorsque les Marovatana furent conquis et que Rabehety fut mort, Andrianampoinimerina et Ravaonimerina s’unirent maritalement » (Les Tantara). La version de Lebel est différente. L’évènement se passe à Antsahadinta, « la vallée aux sangsues », vers le mois de juin 1804. Ramaromanompo et son beau-frère Andriantomponimerina, sentant que tout résistance devient inutile, décident de mettre fin la guerre, tout au moins au siège de la cité en livrant au vainqueur la femme convoitée, Ravaonimerina. Celle-ci sauve ainsi la vie de son mari et de ses proches qui peuvent s’enfuir. Selon les Tantara, Andrianampoinimerina installe Ravaonimerina à Antananarivo en vue de pacifier le territoire du Sud. Ce qui montre son emprise morale sur le peuple des Merinatsimo (Fenoarivo) où son mari a régné. Plus tard, le roi prend comme autre épouse Razafimboa, fille de Ravaonimerina d’un autre père. Toujours d’après les Tantara, Ravao­nimerina n’a pas d’enfant d’Andrianampoini­merina, mais elle est considérée comme la mère de Radama, sur les instructions du roi. « Lorsque je ne serai plus ici, dit-il, quand vous aurez à prononcer les discours, dites : Ravao, mère de Lahidama ; dites aussi : Vivent les deux mères. » Les Tantara expliquent : « Rambolamasoandro (femme d’Andrianampoinimerina) donna naissance à Radama et Andrianampoinimerina fit considérer Ravao comme sa mère ; cet ordre fut exécuté après sa mort. Toutes les autres femmes d’Andrianam­poinimerina devinrent femmes par héritage de Radama, après la mort d’Andrianampoinimerina, tandis que Rambolamasoandro et Ravao restèrent ses mères. » Les Tantara ne disent cependant pas que Ravaonimerina a adopté Radama, elle n’est donc pas sa mère adoptive. Mais son rôle prééminent dans la famille royale s’explique par le fait qu’elle est l’héritière du trône d’Imerina. Par son ascendance royale, elle est prédisposée à transmettre le droit régalien. H.-C. Hébert précise que c’est pour cela qu’Andrianampoinimerina conclut avec Andrianamboatsimarofy un accord d’échange contre sa sœur. Son mariage avec Ravao­nimerina aurait permis d’éviter d’entrer en lutte contre son père, car au cours du XVIIIe siècle, les règles de transmission du trône stipulent que l’héritier du trône n’est pas le fils du roi, mais le fils de sa sœur (neveu utérin). Toutefois, parfois le fils du roi est appelé à régner de façon provisoire dans l’attente de la majorité de son neveu ou parce qu’il tente d’entrer en lutte contre lui pour conquérir le pouvoir. « De telles rivalités semblent bien pouvoir vous expliquer de nombreuses guerres intestines en pays merina, jadis. » Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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