Les dernières heures de la mère de Radama


Comme l'ont écrit de nombreux auteurs, l'accession de la reine Ranavalona Ire au trône de l'Imerina ne se fait pas dans la douceur, au contraire. Il en est ainsi de Raombana qui publie un témoignage en 1854. Mais il faut tenir compte du fait que ce chroniqueur est peu favorable à la reine. Raombana évoque pour commencer l'assassinat des deux fidèles Tsimandoa du roi défunt, Itsiaribikia et Imanantsimijay, pour avoir proclamé publiquement la « vérité » concernant la succession. Selon eux, Radama Ier « avant sa maladie et pendant tout le temps qu'il fut malade, avait déclaré que sa fille devait lui succéder. Bien qu'elle soit une femme, disait-il, elle montera à cheval; elle portera l'uniforme militaire et gouvernera le royaume qui deviendra sous son sceptre plus grand encore et plus glorieux. Elle épousera, disait-il encore, Rakotobe (le neveu du roi, fils de sa sœur Rabodosahondra), mais celui-ci ne possèdera en propre aucune autorité royale ». Et les deux serviteurs fidèles ajoutent: «Les Tsimandoa ne sont pas les seuls à connaître la volonté du roi: tous les officiers, tous les ministres et presque tous les habitants de l'Imerina sont au courant, tous connaissent la volonté de Sa Majesté d'avoir pour successeur sa fille (Raketaka) et personne d'autre.» Poursuivant son récit, Raombana affirme que, dès le matin du vendredi 31 juillet 1828, Ranava­lona Ire devient souveraine et donne l'ordre d'arrêter la mère de Radama et son petit-fils Rakotobe. Pour l'auteur, en effet, l'initiative du massacre qui s'ensuivra vient de la reine « et non d'Andria­mihaja agissant seul ou au nom des conjurés (qui la soutiennent) alors que ces derniers retenaient la future reine prisonnière dans le palais de Besakana » (Simon Ayache, professeur à l'École normale d'Antananarivo). Rakotobe, encore très jeune (13 ans) a un caractère très doux « qui lui attirait l'affectueuse sympathie de tous», affirme Raombana. La reine ordonne au capitaine Rafalimanana et à quelques tueurs « de l'étrangler secrètement quelque part dans la ville basse et de l'y enterrer ». Quatre hommes, la corde en mains, se saisissent de Rakotobe. « Mais cette corde était à moitié pourrie, elle se rompit quand ils tirèrent dessus pour l'étrangler. Le prince, étouffé, était déjà presque mort et ses cris avaient été affreux, selon un des bourreaux. On envoya l'un des tueurs acheter une nouvelle corde afin de bien terminer l'ouvrage. Il revint une demi-heure plus tard. Le prince avait eu le temps de retrouver ses esprits, et ses larmes et les supplications recommençaient. » Le jeune enfant finit d'ailleurs par leur demander d'exécuter vite et bien les ordres reçus pour que « je sois libéré de cette souffrance ». Le sort de la mère de Radama, Rambola­masoandro, « est aussi lamentable que celui de son petit-fils ». Arrêtée, elle est conduite en un lieu secret. « Sa Majesté ne commanda pas de l'étrangler ni de la sagayer parce que, disait-elle, son sein avait nourri Radama. » Mais le samedi 1er août, ses bourreaux l'obligent à avaler un morceau de « sirahazo » (potasse). «Ce qui bientôt lui brûla les entrailles... Après des heures d'horribles souffrances, elle mourut dans l'état le plus affreux. Son corps fut expédié à Fanjondroho, dans le district de Marovatana, pour y être enterré dans le tombeau de ses ancêtres. » Cependant, quelques jours plus tard, écrit Raombana, la reine fait un rêve terrible. « L'esprit de Rambolamasoandro s'approchait d'elle, tentait de la saisir à la gorge et de l'étrangler. » Elle en est si effrayée qu'elle ordonne d'exhumer le corps du tombeau. «Un chien fut tué dessus; on fouetta le cadavre avec un rameau d'ambiaty (plante d'ornement appelée Vernonia appendiculata). À la fin de cette cérémonie, au lieu d'enterrer le corps, on le transporta avec le cadavre du chien sur le sommet élevé d'Ambohimanoa et fut abandonné là aux chiens et aux oiseaux... » À préciser que les Hova pensent que si l'on tue un chien sur le corps d'un mort et qu'on le flagelle avec un rameau d'ambiaty, son esprit s'éteint aussi et disparaît. Raombana conclut ainsi cette partie de sa chronique: «Ces deux meurtres soulevèrent dans le peuple une vive émotion. On frémit de voir aussi cruellement assassinés les proches parents de Radama. Mais Sa Majesté ne s'arrêta point là. »
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