Marché des dupes


Un sommet du Comesa à Antananarivo   Est-ce bien une urgence ou une opportunité   À dire vrai, c'est ni l'un ni l'autre. C'est loin d'être une urgence ni une priorité étant donné que les préoccupations du moment sont ailleurs. Ce n'est non plus une opportunité vu que les conditions ne sont pas propices pour y penser. L'État semble vouloir privilégier le paraître aux dépens de l'être. Au lieu de tenir une grande réunion internationale pour trouver des solutions à tous les problèmes socio-économiques, on s'évertue à organiser un sommet dont on sait qu'il ne sera d'aucun recours à la situation qui prévaut. Comment peut-on prétendre pouvoir augmenter les 3% d'exportation vers le marché commun des pays de l'Afrique australe alors que toutes les activités économiques sont paralysées par le délestage de plus en plus dramatique Madagascar a été parmi les neufs pays à avoir lancé le marché de libre échange du Comesa en 2000 avec le Djibouti, l'Égypte, le Kenya, le Malawi, la Zambie, le Soudan et le Zimbabwe mais il n'a jamais pu en profiter. Sa balance commerciale est nettement déficitaire alors que le Comesa est un immense marché de 350 millions de consommateurs et un produit intérieur brut de 200 milliards de dollar. Ce n'est donc pas à un moment où l'économie est à genoux après cinq ans de crise suivis de deux ans et demi de persécution fiscale du secteur privé, de corruption généralisée, d'absence absolue de vision et d'objectifs qu'on peut prétendre pouvoir conquérir ce marché. Il est bien évident que Madagascar constitue un marché intéressant pour les autres pays membres avec 22 millions de consommateurs potentiels même avec un revenu de moins 2 dollars par jour. C'est ainsi qu'on retrouve des pommes, des raisins sud-africains, des jus égyptiens, du savon mauricien ... dans les rayons des grands ou petits magasins. On a eu droit à des négociateurs mozambicains, sud-africains, zambiens pendant la crise. Quand on étrangle le secteur privé avec un harcèlement fiscal sans précédent, une concurrence déloyale encouragée par l'État, un favoritisme flagrant, une insécurité chronique on se demande comment l'Etat compte répondre à la demande du marché du Comesa. Peut-être avec la production des entreprises chinoises. Pourquoi pas après tout   Autrement on ne voit que les produits alimentaires à l'instar des pâtes, des eaux minérales, des biscuits, des produits laitiers... Reste à savoir si les entreprises peuvent honorer les commandes d'un marché quinze fois plus grand que le marché malgache et si ces produits répondent aux normes Comesa et intéressent les pays membres. Il faut savoir que les produits finaux sont frappés de 30 % de taxe entre les pays membres contre 0% pour les biens de production, 5 % pour les matières premières et 15 % pour les produits intermédiaires. Mais le Comesa n'est pas que des échanges commerciaux. Les pays membres ont prévu l'établissement graduel d'une union monétaire d'ici 2020, fixation irrévocable du taux de change, coordination des politiques monétaires entre les banques centrales, création d'une monnaie commune et d'une autorité monétaire commune. Pour cela il faut bien évidemment que l'ariary reprenne du poil de la bête pour arriver au niveau du rand ou de la roupie seychelloise ou mauricienne. Ce n'est pas avec son niveau actuel qu’il peut intégrer un tel système. Mais il s'agit là d'une véritable opportunité. Reste à savoir comment l'État peut en profiter. Peut-être avec la protection du yuan ou du renmibi. Eh oui, certains pays d'Afrique, comme l'Angola, ont adopté la monnaie chinoise comme billet d'échange. Tant qu'à faire. Sylvain Ranjalahy
Plus récente Plus ancienne