L’expansion de Tana dans les vallées limitrophes


En presque trois quarts de siècle, rien ne change dans la capitale. Ou plutôt, tout empire à cause de la multiplication de la population. En 1951, Antananarivo devient une ville champignon dont la croissance est si rapide les dernières années, que toutes les prévisions se trouvent dépassées. Le général Gallieni lui-même, au début du XXe siècle, malgré l’ampleur de ses prévisions, se trouve en défaut. En effet, « s’il avait pu prévoir l’extension de Tananarive en 1951, il ne l’aurait pas, en 1908, étranglée dans ce collet monstrueux qu’est la voie de chemin de fer du Tananarive-côte Est. Cette ligne et sa gare terminale (Soarano) sont parmi les plus grands obstacles actuels au développement de la ville, cette dernière coupant la plus belle de nos avenues », commente un urbaniste anonyme dans le Bulletin de Madagascar. À l’époque, cette poussée qui est loin d’être terminée- puisqu’Antananarivo ne compte encore que 200 000 habitants alors que la plupart des capitales abritent le dixième de la population du pays soit pour Antananarivo au moins 450 000 habitants-, doit être organisée selon un plan d’ensemble, indiquent les urbanistes. Ce plan existe d’ailleurs. Pour ne pas entrer dans les détails, le chroniqueur en dégage les idées générales. La direction de l’architecture et de l’urbanisme écarte d’emblée la croissance en hauteur type Manhattan. « Ce n’est pas sur les collines déjà surpeuplées et sans espaces libres du vieux Tana, que doit se faire par une poussée verticale, la croissance de la ville, mais bien au contraire, par une expansion en surface dans les vallées limitrophes ou par une projection de cités satellites sur les coteaux voisins. » La place ne manque pas, ni les moyens de communication. Du reste, de nombreuses agglomérations avoisinantes, dont les habitants viennent déjà travailler à Antananarivo, sont « autant de jalons avancés pour la cité future ». Les urbanistes estiment qu’il ne faut pas prendre en considération les difficultés d’établissement sur les terrains marécageux et la rizière. Pour eux, non seulement de nombreuses villes du Sud-est asiatique sont tracées dans les marécages, mais à Antananarivo même, de nombreux terrains conquièrent déjà sur la rizière. Cependant, l’expansion en surface est à orienter. Auparavant, les constructions poussent de façon anarchique car on n’a aucun plan à opposer aux propriétaires. Le plan prévoit des zones résidentielles, des espaces libres, délimite une zone industrielle car, même  dans la banlieue actuelle, on ne peut tolérer n’importe où l’installation d’usines ou d’établissements industriels : ce qui est suburbain aujourd’hui, sera urbain demain. Les urbanistes mettent pourtant en exergue quelques principes généraux : ne pas céder à la tentation facile des grands immeubles collectifs ; ne pas lésiner sur les espaces libres ; voir grand dans le tracé des voies publiques ; les travaux d’assainissement (adduction d’eau, égouts, etc.) des zones prévues au plan d’extension doivent être exécutées à l’avance. Depuis 1950, il y a beaucoup à dire sur le système des égouts d’Antananarivo. Il est composé d’un unique réseau d’évacuation, composé de caniveaux, de canaux à ciel ouvert, de buses, d’égouts semi-visitables ou visitables. Son implantation ne fait l’objet d’aucun plan d’ensemble et il est disposé et raccordé de façon empirique. De surcroît, il est loin de desservir de façon convenable la totalité de l’agglomération. Pour tous les immeubles à construire, on n’a plus d’autre système que la fosse septique, mais la plupart des maisons existantes ne possèdent que des fosses fixes plus ou moins étanches, voire des fosses perdues ou des tinettes. « Les matières de vidange sont, après enlèvement, entièrement déversées dans l’Ikopa en aval de la ville… » Ainsi, tout est à faire dans ce domaine. Il en couterait un milliard pour réaliser un tout-à-l’égout avec épuration biologique consécutive dans trois stations d’épuration situées aux pointes sud et nord-ouest sur l’Ikopa, et à la pointe nord-est sur le canal de la Manjaka­ray. « L’application d’un tel système à la cité déjà existante n’irait pas, bien entendu, sans difficultés,  mais il est en tout cas indispensable qu’il soit incorporé au Plan d’urbanisme des futurs quartiers ou cités satellites. » En ce qui concerne l’eau potable, la capitale est encore loin des 250 litres/jour/habitant, la norme des cités modernes. De 12 000m3 par jour en 1951, le débit devra être porté progressivement à 40 000 m3 et dans quelques années à 80 000 m3. Et 161 bornes fontaines sont en service. Ce programme d’adduction prévoit alors 15 millions de francs. Enfin, toujours à propos du service public, le corps des sapeurs pompiers municipaux est créé en 1948 (auparavant la capitale ne dispose d’aucun secours réel contre l’incendie). Le personnel compte en 1951, 75 hommes commandés par trois officiers compétents dont deux Européens qui ont acquis une formation à Paris. Ils n’ont pas encore leur caserne, leur matériel est périmé, et tout cela complique leur service. Mais on envisage de  construire une caserne sur l’emplacement des ateliers et garages municipaux qui seront transférés hors de la ville et agrandis. Texte : Pela Ravalitera - Photo : Agence nationale Taratra
Plus récente Plus ancienne