Un trafic juteux autour des tortues Astrochelys Radiata


La saisie de quelque dix mille tortues étoilées, le 10 avril à Toliara, a permis de remonter en partie, les différents intérêts qui se trouvent derrière la filière. Celle-ci devient aujourd’hui très « porteuse ». Lucratif. Le mot est faible pour décrire les avantages pécuniaires et commerciaux tirés du trafic illicite des tortues Astrochelys Radiata. Une tortue juvénile se vend jusqu’à 3 000 dollars soit près de dix millions d’ariary, et une adulte peut même s’acheter jusqu’à 15 000 dollars à l’étranger. Les pays asiatiques tels que la Malaisie, la Thaïlande ou la Chine sont indiqués comme étant les principaux acheteurs de ces reptiles à carapace, endémiques à la Grande île. « Les tortues sont très prisées en raison de leur vertu guérisseuse, leur endurance et leur présence qui aspire la longévité », explique Soary Randrianjafi­zanaka, directeur régional de l’Environnement, de l’écologie et des forêts pour le Sud-Ouest. « Le trafic n’est pas seulement celui destiné à un marché international, mais même la détention pour une compagnie domestique ou encore le braconnage pour une consommation locale sont une forme de trafic de ces espèces endémiques au Sud, qui sont alors retirés de leur habitat naturel. » le Pr Ramampiherika, qui a effectué des recherches poussées sur ces tortues, avance même que le pénis des tortues mâles, une fois rôti et séché, est un aphrodisiaque très prisé des Asiatiques. Le journaliste Evelognom­biasa, qui travaille à Toliara, raconte, photos à l’appui, avoir effectué récemment des investigations sur les différentes pratiques des trafiquants. « Le braconnage et la commercialisation de ces espèces de tortues remontent à des années. Les dix mille tortues saisies ne sont que la partie visible de l’iceberg de cette affaire juteuse. Chaque opération, se déroulant notamment dans les endroits enclavés, entre Toliara et Ampanihy, d’Ejeda à Betioky, et une partie de l’Androy, fait subtiliser entre huit cents et mille cinq cents individus, et l’opération se renouvelle tous les quinze jours ou tous les trente jours », explique-t-il. Gros bonnets Les trafiquants utilisent les gros moyens, véhicules, téléphones et surtout pots-de-vin pour les ramasseurs, les piroguiers, les collecteurs et autres acteurs étatiques, non étatiques et privés du réseau. La femme chez qui dix mille tortues ont été trouvées à Betsinjaky-Toliara, n’est qu’un maillon de la chaîne. On chuchote des élus, des officiers et des hauts conseillers derrière ce fléau. « Nous sommes en pleine enquête pour essayer de trouver le ou les commanditaires de cette grande opération. Je peux juste affirmer que cette affaire ne sera point étouffée dans la mesure où toute une plateforme de réseaux d’acteurs contre la corruption dans le domaine des exploitations et trafics illicites de ressources naturelles, s’y penche activement », précise le substitut du procureur du Tribunal de première instance de Toliara, Noé Donné Razafikely. Cependant, des informations circulent sur le fait que ce ou ces commanditaires menacent de renouveler l’opération, car la commande de dix mille tortues juvéniles « doit être satisfaite ». Le système de contrôle fait défaut sur presque tout l’itinéraire des trafiquants. Les principaux points de collecte de ces reptiles étoilés, comme Itampolo, Androka, Ampanihy, Beahitse, Betioky où une déviation permet ensuite de rejoindre Efoetse, Beheloke et Anakao, à partir duquel les pirogues rejoignent Toliara, sont peu contrôlés ou corrompus. « Les tortues sont embarquées à bord de 4x4, dissimulées au milieu de nombreuses autres marchandises dans les pirogues qui sont attendues par d’autres collecteurs à Mahavatse (Toliara). Des véhicules continuent le périple jusqu’à Morombe et remontent la région Menabe pour être affrétées au bout du voyage, dans des bateaux au large des eaux de mer de Melaky et Boeny », finit Evelognom­biasa. À suivre. Mirana Ihariliva
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