R.I.P., et basta !


e mourir ça ne me fait rien. Mais, ca me fait peine de quitter la vie». La réplique est dans Marcel Pagnol. Sur les lèvres d’un Panisse à l’article de la mort. Cette boutade me revient quand j’entends régulièrement (ces derniers temps d’automne austral surtout, comme s’il y avait une saison de la mort, un peu comme la saison des amours) dire des mièvreries censées consoler les survivants. Pannise avait fait mander le curé, mais plus pour lui faire des confidences que véritablement se confesser. Les personnages de la joyeuse bande du Café de la Marine, sur le Vieux Port de Marseille, ne sont pas des calotins quoiqu’ils jurâssent volontiers la «Bonne Mère». Ils se laissent aller au gré des vagues, comme le «ferry-boîte» d’Escartefigue, mécréants par tribord, le «bon diou» dans les jurons de babord, mais surtout cul-bénitiers de bar. Ici, de pastis ou de picon-citron-curaçao : la vérité repose au fond de la dive bouteille, plus d’ailleurs qu’elle n’est dans la bouche des enfants. Les épiceries de mon enfance s’affichaient «alimentation générale» avec ce sous-titre qui, très tôt, capta mon attention : «rhum-vin-bière»... En alimentation générale ! De quoi susciter des vocations précoces à certaines libations... Donc, présentement, sirotant ma sacro-sainte THB (les brasseries STAR m’ont intronisé ambassadeur pour avoir suffisamment payé de ma personne : mon «foie», comme dans les affreuses planches de nos années scolaires, faisant «foi»), je suis pris d’une envie de digression sur la mort et sa gestion par les vivants. Prétendre que le «pauvre» (dans Marcel Pagnol, «pauvre» est l’épithète obligatoire du défunt) est heureux, là où il est parti alors qu’il se retrouve surtout nulle part, me semble une tartufferie de première. Ma pauvre âme sceptique ne peut concevoir un bonheur au conditionnel. Je préfère me contenter définitivement de la bonne vieille réalité bien concrète de la vie. À la droite de celui dont on ne prononce pas le nom, dans un paradis que, jamais, personne n’a vu : bien trop alambiqué. Pour ma part, je ne trouverais aucun réconfort à écouter les mêmes versets récités machinalement quant à la fin des tourments «ici-bas» : déjà que, jusqu’à preuve du contraire, ce sont nous autres, mangeant encore sur l’herbe, qui nous trouvons «ici-haut» par rapport à eux, là-bas, six pieds sous terre. Le jour où je m’en irai, ne laissez personne raconter de telles billevesées sur le truc d’après. J’ai trop vu de cadavres réduits à l’état de poussière dans mes tombes d’Imerina pour croire que cette forme vague, retenue tant bien que mal par les linceuls pieusement renouvelés, puisse ressusciter et se métempsycoser en de nouveaux «taolambalo» (les huit principaux os longs). Nous ne sommes pas chez Spielberg. Il faut donc une infinie patience, une immense tolérance, et pas mal de bêtises également, je trouve, pour écouter ces vaines paroles assenées aussi doctement. Finalement, trois lettres suffisent, intelligibles aussi bien en latin qu’en anglais, la lingua franca universelle : R.I.P. par Nasolo-Valiavo Andriamihaja
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