Erreur saisissante


L’erreur est inhumaine et inacceptable. C’est la règle d’or de la comptabilité. De surcroît quand il s’agit de comptabilité nationale, de l’argent de l’État. C’est avec une légèreté déconcertante que le directeur général de l’Autorité de régulation des marchés publics a annoncé à la presse que le chiffres publiés sur le site de l’organisme qu’il dirige pour l’exercice 2016 comportait trois zéros de plus. Une explication fallacieuse et irresponsable pour une institution créée en 2006 pour justement juguler les abus dans le gestion de l’argent de l’État, traquer toutes les corruptions dans les marchés publics minés par le copinage, le favoritisme et les surfacturations. Une pratique vieille comme l’indépendance et visiblement indécrottables . À sa création l’ARMP a été confiée à des personnes connues pour leur intégrité et leur moralité. Ce qui n’est plus visiblement le cas. L’ARMP fait partie des organismes clés pour avoir la main mise sur le pouvoir financier. Ainsi, bon an mal an, des abus ont été dénotés dans le rapport de l’ARMP sans que cela indigne l’opinion publique. Il est vrai que cela ne concernait que quelques ministères, contrairement à l’exercice 2016 où presque tous les ministères se font distinguer. Ainsi en 2014, le ministère de la Santé a payé un fournisseur pour 128 millions d’euros soit 410 milliards d’ariary à titre de prestation intellectuelle. Dans les autres exercices, il y eut également des sommes monstrueuses pour le paiement de futilités. De là à évoquer une erreur de trois zéros c’est tout simplement s’accuser de vol permis depuis des années. On ne comprend pas pourquoi un excès de trois zéros devient aujourd’hui une erreur. C’est d’autant plus scandaleux et flagrant que l’erreur alléguée semble ne concerner que les montants exagérés et les marchés fictifs. Quand on voit que le ministère des Finances et du budget a acheté vingt véhicules Mitsubishi Pajero Glx chez Sicam pour 3.491.760.000 ariary, et dix-huit véhicules du même type pour 2.874.096.000 ariary tout est normal. Avec un fournisseur comme Sicam, la surfacturation est impossible, ceci explique cela. Maintenant, s’il y a erreur de trois zéros le montant devient 3.491.760 pour vingt véhicules. Un montant avec lequel on ne peut pas se payer quatre pneus. L’erreur serait donc sélective. En tout cas, il faut un logiciel diablement intelligent pour faire ce tri. Le fait qu’après cette bourde, le site de l’ARMP a été fermé et que le personnel du ministère des Finances et du budget a été prié de se la boucler selon une note de service, prouvant qu’il y a bien eu quelque chose qui ne sera plus jamais révélé au public. Le doute se confirme quant on rapproche la rubrique dépenses de la loi de finances et le montant total des marchés publics 2016 avec presque le même montant. L’ARMP perd ainsi toute sa crédibilité et toute son utilité devenant plus une banale caisse enregistreuse des dépenses de l’État qu’un organe de contrôle et de régulation des marchés publics. Tous les abus sont désormais permis, ni vu ni connu. La lutte contre la corruption devient une chimère alors que les bailleurs de fonds notent des progrès. C’est la preuve flagrante que si l’argent qu’ils ont donné depuis quarante ans avaient été utilisé à bon escient, on n’en serait pas à cette pauvreté chronique. Cet « incident » explique le fait que malgré un revenu de deux dollars par jour, le secteur de l’immobilier, du transport et vente de voitures de luxe n’a jamais été aussi florissant. Tant qu’on continue à acheter des pneus à des prix pharaoniques alors que le pays manque d’écoles, d’hôpitaux, de routes, d’enseignants, de médecins, d’informa­ticiens, d’ingénieurs... on n’avancera pas d’un pouce. De l’erreur, on est passé visiblement à la bêtise, avec cette volonté de tout verrouiller et de refuser toute transparence dans l’utilisation de l’argent de l’État, plutôt des bailleurs de fonds. Sylvain Ranjalahy
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