Personne ne peut être généreux jusqu’au suicide


Qui a pu envisager que Madagascar accueille des «réfugiés» ? Canular ou hypothèse, sa seule perspective a suscité un tollé d’indignation inquiète. C’est quoi un réfugié ? «Un réfugié est une personne qui craint avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques» (article 1er A2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951). L’objet d’inquiétude dans cette allusion à la venue à Madagascar de réfugiés syriens tient à deux critères prévus par cette Convention de 1951 : la race et la religion. Madagascar est une île d’archipels ethniques. Ces insulaires là, sans doute eux-mêmes venus d’ailleurs en des temps immémoriaux, n’accueillent pas volontiers d’autres populations allogènes. On peut s’indigner vertueusement de cette xénophobie. On peut crier politiquement correct au racisme. Mais, ce fait psychologique là est têtu. Qui plus est, ces réfugiés là seraient majoritairement musulmans. L’opinion publique des démocraties européennes s’était elle-même émue du risque que représente cette «invasion» au sein de sociétés européennes, qui n’ont pas oublié leurs racines chrétiennes. Avec la montée de l’islamisme, borné et fanatique, l’islam n’a jamais eu aussi mauvaise presse que depuis les attentats du World Trade Center à New York, les exactions des Talibans en Afghanistan, l’éclosion de Boko Haram au Sahel, et les crimes de Daech depuis le Moyen-Orient. Dessine-moi un réfugié syrien : une foule de femmes tout de noir vêtues, de la tête aux pieds, y compris le visage. S’agit-il de femmes maintenues en escalavage culturel ou de terroristes mâles déguisés ? Et, dans leur détresse, que pensent-ils du sort des «chrétiens d’Orient» que les régimes islamistes les plus extrémistes ont génocidés sur place, convertis de force ou chassés de toute la région ? Le Gouvernement du Canada aurait réinstallé plus de 25000 réfugiés syriens entre le 4 novembre 2015 et le 29 février 2016. Et 40.081 réfugiés syriens seraient arrivés au Canada depuis le 4 novembre 2015. Pourtant, dès 2014, Amnesty International dénonçait «l’absence totale de promesses d’accueil émanant du Golfe : les liens linguistiques et religieux devraient placer les États du Golfe persique au premier rang des pays offrant l’asile aux réfugiés qui fuient la persécution et les crimes de guerre en Syrie». Depuis le début de la guerre syrienne, en 2011, et contrairement au Liban, à la Jordanie et la Turquie, ni l’Arabie Saoudite, ni Bahreïn, ni le Qatar, ni les Émirats arabes unis, ni Oman, ni le Koweït n’ont accueilli de réfugié syrien. Madagascar n’est ni un pays arabe, ni un pays de religion musulmane : au nom de quoi devrions-nous en faire d’abord et davantage que des pays arabes coreligionnaires et frontaliers ? Au Liban, pays de 5 millions d’habitants, une personne sur quatre serait réfugiée. Personne n’écoute donc un analyste comme Marc Lavergne (directeur de recherches au CNRS, groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient) : «le déplacement massif des populations syriennes peut également mettre en péril les États d’accueil». Lors de la visite à Antananarivo, en janvier 2017, d’une Délégation du Haut Commissariat aux Réfugiés, avait été envisagée la tenue éventuelle à Madagascar d’une conférence des îles de l’océan Indien relative à la protection internationale des réfugiés (en octobre 2010, ni Madagascar, ni l’île Maurice, ni les Comores, n’avaient encore adhéré à la Convention). L’ancien Haut Commissaire pour les réfugiés, Ruud Lubers, avait raison de dire, dès 2001, qu’«aucun mur ne sera jamais assez élevé pour interdire l’accès aux personnes désespérées», mais aucune convention internationale ne peut obliger un pays à être généreux jusqu’au suicide. L’ONU consacre une «Journée mondiale» aux réfugiés. En fin 2015, ils seraient 65 millions dans le monde. Il semble que ce soit un problème insoluble : le HCR lui-même admet que la Somalie est devenue terre d’asile des réfugiés qui fuient la guerre civile au Yémen, alors même que la population réfugiée somalienne est la troisième plus nombreuse dans le monde ; le Soudan accueille des réfugiés erythréens et sud-soudanais, alors que des réfugiés soudanais fuient au Tchad ou au Kénya ; au Kénya justement, le camp de Dadaab, plus grand complexe de camps de réfugiés dans le monde, comptait 350.000 habitants en 2016 et fonctionne depuis 25 ans : les Kényans ont décidé d’en finir parce que les réfugiés (à 80% Somaliens) leur sont devenus un «problème existentiel». Comme pour le cas des réfugiés parqués par l’Australie sur l’île de Nauru, transformée en centre de détention offshore, on imagine aisément, la surpopulation, l’insalubrité, l’insécurité, le sentiment d’internement pour les réfugiés et d’invasion pour les nationaux, dans l’éternellement provisoire. Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja
Plus récente Plus ancienne