Les débuts des missions catholiques à Sainte-Luce


La « S.C. de Pro­paganda Fide » est fondée à Rome en 1622, pour prévoir, planifier et coordonner les missions catholiques à l’abri des influences des puissances temporelles et des querelles entre congrégations religieuses. Emmanuel Pacheco, visiteur des Augustins, adresse en 1643 à la Propagande, une lettre sur les anciennes tentatives de missions sur « la Grande ile africaine de Madagascar ». Lettre traduite par V. Berlrose-Huyghes et J.-L. Peter S.j. Les Portugais baptisent Ile Saint-Laurent cette terre qu’ils découvrent le jour de la fête du martyr, lors d’une expédition vers l’Orient. Elle se situe au sud du Tropique du Capricorne, après le cap de Bonne-Espérance, à quelques kilomètres du continent africain. Déjà au XVIe siècle, bien avant que n’existe la Propagande, des Dominicains accompagnent les expéditions portugaises et essaient d’apporter l’évangile aux habitants de l’ile, mais sans aucun succès. Peu après 1500, des pères auraient entrepris une mission, dans l’Anosy, en partant du fort portugais du Sud-Est. « Mais au cours d’une fête, ils furent avec les 70 colons assassinés par les autochtones.» Quatre décennies plus tard, Fray Jean Saint-Tomé essaye d’évangéliser le Nord-Est du pays, mais « lui aussi succomba en 1585 au poison des Musulmans ». Ce n’est qu’en 1613 que viennent à Ranofotsy, deux jésuites sous la direction du père Louis Mariana. Ils édifient une église et deux grandes croix. « Cela remonterait au fait que Jérôme d’Azevedo, vice-roi des Indes et très zélé pour les missions, chercha à nouveau à rouvrir le commerce avec Madagascar, à partir de la côte Est et d’y introduire la foi. » Dans le bateau qu’il envoie et qui touche Sainte-Luce, se trouve le jésuite italien Louis Mariana. Mais à cause de la maladresse des Portugais, tout échoue. Dès l’arrivée, le capitaine du vaisseau, accompagné de ses soldats, se rend auprès du roi pour s’entendre avec lui au sujet du commerce et obtenir un port de relâche pour les bateaux venant de l’Inde. « Mais on agit avec beaucoup d’arrogance et l’on eut, tout de suite, recours aux menaces et aux armes. Devant ce spectacle inattendu, les indigènes, désarmés, furent si effrayés qu’ils n’empêchèrent pas leur roi d’être blessé et laissèrent emmener en captivité son fils unique âgé de 13 à 14 ans. » Les Portugais trainent le garçon jusqu’à leur bateau. Mais comme ils ne peuvent se servir de leurs armes pour affronter la grande affluence de la population locale et de l’armée, ils doivent fuir avec leur jeune otage et retourner à Goa. Les autorités indiennes et surtout le vice-roi en sont très mécontents. Ce dernier cherche cependant à faire preuve d’optimisme : il manifeste au prince malgache beaucoup d’amitié « afin qu’il s’accommode aux circonstances et se familiarise avec la religion chrétienne. » Dans cette optique, le père Mariana déploie tant d’efforts fructueux que « grâce à son intelligence et à sa mémoire, à son sérieux et son amabilité », le jeune otage s’adapte très vite aux nouvelles mœurs et apprend, en même temps que la langue portugaise, « les vérités de la foi chrétienne ». C’est au cours d’une grande festivité qu’il reçoit le baptême et le « nom de Don André ». En peu de temps, « il sait lire, écrire, chanter, danser, monter à cheval… Il assimile si bien la doctrine chrétienne qu’il sait rendre compte de tout ce qui concerne la foi et répondre à toutes les questions, à toutes les objections.» Puis vient le moment de renvoyer le prince André dans son pays afin qu’il succède à son père sur le trône, à la mort de celui-ci. Il gardera auprès de lui les missionnaires qui l’accompagnent. « Au cas où le roi serait encore en vie, on lui rendrait son fils à condition que les pères puissent toujours rester auprès du prince et qu’il permette le libre commerce, la prédication de l’Évangile, la christianisation, la construction d’églises, etc. » C’est pourquoi le vice-roi Azevedo envoie en 1616, deux bateaux avec quatre jésuites dont le père Mariana, et le père portugais Manuel Dalmedor, leur supérieur. Arrivés à Sainte-Luce, l’issue de leur séjour est encore plus malheureuse que la première fois, toujours à cause du « mauvais comportement des Portugais. Ils traitèrent le père encore vivant et bien disposé à leur égard d’une façon tellement maladroite qu’ils se laissèrent ravir et conduisirent le prince auprès du roi, sans que les pères ne puissent l’accompagner et sans que rien ne fût conclu. Aussi les accueillit-on à leur retour à Goa, par des railleries bien méritées ! »
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