Évasion saison III


Il est de la peste comme il est des évasions. Elles ont une saison. Celle de la peste a débuté en août et se terminera en mars de l'année prochaine, celle des évasions commence à peine. Elles sont de toutes sortes. Ambatondrazaka a eu le privilège d'ouvrir la série avec la sortie sans billet de quinze détenus plus ou moins dangereux, qui ont mis du valium dans le jus des pénitenciers au cours d'une célébration d'anniversaire. Eh oui, aussi inhabituel que cela puisse paraître, les anniversaires se fêtent dans les prisons avec ce que cela suppose de paillettes et de confettis. Un aspect humain que les défenseurs des droits humains et surtout les inspecteurs des conditions carcérales oublient souvent de noter. Toujours est-il qu'on a perdu la trace de ces détenus. Quinze jours après, cinq détenus à la prison de Tsiafahy leur emboîtent le pas dans des circonstances encore plus rocambolesques. Encore en détention préventive, ils ne comptaient pas signer un bail dans cette prison à criminels et ont creusé un tunnel pour retrouver la lumière du jour. Les prisonniers ne voient que la couleur du ciel et celle de l'obscurité étant donné que l'établissement n'est éclairé que trois heures par jour. Une histoire a la Dalton qui n'est pas sans rappeler le fameux film " Les égouts du paradis" où le malfrat passe par les égouts pour s'introduire dans une banque et réussir un hold-up parfait. Deux évasions qui montrent combien les établissements carcéraux ressemblent à une passoire où les mailles laisseraient passer une baleine. On peut alléguer la vétusté des établissements facilitant les évasions,qui n'ont jamais fait l'objet d'une modernisation depuis leur existence à l'image des camps militaires dont les rides et les balafres sur les murs témoignent de leur ancienneté, mais il faut admettre également le règne de la corruption dans l'administration pénitentiaire pour ne rappeler qu'un détenu à Tsiafahy abattu à Toamasina en 2015 lors de l'affaire du kidnapping des jeunes Arnaud et Annie alors que les pénitenciers avaient tenu une conférence de presse pour démentir l'information. On se demande si la réhabilitation ou pourquoi pas la construction de nouvelles prisons figure dans le document remis au Président de la République concernant la Réforme du Secteur Sécurité. Les efforts entrepris par les forces de l'ordre resteront vains si les hommes et les soi-disant forteresses censés devoir garder les criminels présentent des failles béantes. Il est des détenus comme il est des malades de la peste. Tous les deux sont adeptes des évasions. Les premiers creusent comme des rats pour retrouver la liberté alors que les seconds crèvent à cause des rats. Pour nourrir leurs illusions et refuser d'admettre la triste réalité, des malades de la peste se sont également échappés des hôpitaux où ils étaient sous traitement. Perdus de vue, ils sont tout aussi dangereux que les criminels armés. Pire, ils peuvent tuer beaucoup plus de gens que les bandits. Mêlés à la population, ils peuvent contaminer un nombre incalculable de personnes et répandre la maladie partout où ils passent. Voilà qui peut réduire à néant tous les efforts consentis jusqu'à maintenant. Ce sont les malades qui s'ignorent et les malades portant la bactérie mais non pris en charge qui compliquent la lutte contre cette épidémie. Moins dangereuses mais tout aussi néfastes pour le pays, les évasions fiscales occupent également l'actualité. Entre les vraies infractions, la mauvaise foi des entrepreneurs incriminés et le relent politique autour de l'affaire boosté par la conjoncture électorale, difficile d'y voir clair. Tant qu'à faire, il faut s'attaquer à tous les délinquants fiscaux. Il est inutile de faire passer un avis de recherche pour les identifier ces bandits de la finance. Si l'État arrive à les faire payer, le taux de pression fiscale passera du simple au triple. C'est à prendre ou à presser. Par Sylvain Ranjalahy
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