Bonne humeur


La rue d’Ambatomena a été lavée à grande eau. Cela n’a l’air de rien. Ce serait même d’une extrême banalité dans une Ville moderne. Mais, dans Antananarivo, dont les trottoirs  empestent la pisse, c’est le retour d’une pratique salutaire qu’on avait appliquée pour nettoyer, autrefois (qui n’est pas si loin), l’espla­nade du marché «Zoma» d’Analakely. Sur le même axe, au pied de l’im­meuble Valiton, qui fut, autrefois, le cinéma Roxy avant de servir aujourd’hui d’église évangélique, la Culture en sortant dès que la bigoterie y fit son entrée, j’avais remarqué une famille de sans domicile qui nettoie régulièrement son emplacement : ce geste d’hygiène participe déjà à leur maintenir un reste de dignité, en attendant que notre société retrouve un cycle plus vertueux pour éradiquer l’extrême pauvreté. L’autre jour, j’ai cédé le passage à une famille avec un enfant. Certes, ils traversaient hors d’un passage piéton, les clous n’existant plus et les marquages au sol se diluant à la première pluie, mais il m’avait semblé courtois de ne pas leur compliquer inutilement la vie. Le sourire de reconnaissance de la petite fille, agrémenté d’un sympathique salut de la main, a été ma récompense. J’espère qu’elle aura retenu qu’un peu de bonté est toujours possible dans notre monde de brutes. Chaque fois, je retrouve avec nostalgie cette patience silencieuse de ceux qui attendent que s’ouvrent les portes d’une salle de lecture. C’est la même ambiance, que ce soit à la «B.U.» d’Ankatso, dans la cour de l’Académie malgache à Tsimbazaza ou des Archives Nationales à Tsaralalàna, sur le trottoir de Sainte-Geneviève à Paris, sur les marches de la Library of Congress à Washington ou du British Museum à Londres ou de la Bibliothèque nationale à Ampefiloha. Tous ces endroits dont la trame studieuse, en arrière-plan, a fait que cette Chronique soit ce qu’elle est. Ce plaisir de lire est besoin de lecture chez tous ces passants que l’on voit, chaque matin, agglutinés devant ces étendoirs improvisés dans la rue (Andohan’Analakely, Antaninandro, Antaninarenina...) à parcourir les gros titres en Une des journaux. Les gens n’ont, hélàs, plus les moyens d’acheter un quotidien. Chaque fois, je me dis que les journaux feraient oeuvre utile en ouvrant en Une chaque article par un paragraphe de trois phrases allant à l’essentiel des cinq «W». Un exercice d’agencier. Avant qu’on invente Twitter et son credo de 140 caractères. Nasolo-Valiavo Andriamihaja
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