Un réseau de voies navigables irrégulier


L’intérêt que présente la construction du canal de Pangalana le long du littoral oriental, est évident. D’après Robert Raynaud, il est avant tout destiné à éviter premièrement, un acheminement onéreux des marchandises vers les ports actuels de la côte Est, deuxièmement des frais de batelage élevés et des risques divers de mouille et d’avaries, et troisièmement le stationnement prolongé des navires dans des rades exposées à toutes les tempêtes. « De même que la conception du canal ressortit plus de la technique des canaux maritimes que des canaux de navigation intérieure, il est vraisemblable que les méthodes commerciales en vigueur dans les transports maritimes s’imposeront peu à peu dans l’exploitation du canal. » En effet, indique l’ingénieur, il est probable que le matériel le plus économique et de plus haut rendement éliminera progressivement les autres. Le chaland automoteur d’environ 250 à 300 tonnes de port en lourd, qui marche sans arrêt de nuit comme de jour à une vitesse de 10 à 15 km/h, donc parcourant la totalité du canal en moins de trois jours avec des chargements complets d’un point à un autre, « sera le moyen de transport le meilleur marché ». En outre, le principe des « connaissements directs » ne semble nullement compromis et la prise en charge des marchandises par les compagnies de navigation « se fera probablement un jour au centre même de production, au bord du canal ». Les ports de batelage de Mananjary, Manakara- ce dernier devant conserver une certaine activité maritime, ne serait-ce que comme port de secours- et Farafangana deviendront, sans travaux supplémentaires, des ports du canal des Pangalana. Parallèlement, « le trafic courant de la poste, des messageries et des petits lots de marchandises, ainsi que le transport des passagers, pourrait être assuré par un bateau spécialement conçu, transportant une centaine de tonnes de marchandises, huit à dix passagers de luxe avec des aménagements qui rappellent les wagons-lits et wagons-salons, et une trentaine de passagers dans des conditions plus modestes ». Bref, commencé par la Nature qui a fait une grande partie du travail, continué avec un certain succès pendant plusieurs générations, « le canal des Pangalana deviendra vraisemblablement cette grande voie de communication de la côte Est, voulue depuis tant d’années par tous les chefs qui ont eu en mains les destinées de ce pays », met en évidence Robert Raynaud en clôturant, son étude sur le canal des Pangalana. Pourtant, en dépit de quelques sections de celui-ci, de ses nombreux cours d’eau et de la partie maritime des estuaires de la côte Nord-Ouest, la Grande ile ne possède qu’un réseau de voies navigables irrégulier et de peu d’importance. On ne peut guère y faire circuler que des pirogues ou de petits chalands de deux à trois tonnes. La raison essentielle en est l’irrégularité du régime des eaux, l’étiage prolongé en saison sèche et les crues violentes et subites pendant la saison des pluies qui ne permettent la navigation que pendant quelques mois de l’année. En fait, pour les spécialistes, en général les rivières et fleuves de Madagascar sont des « voies de secours » dont la continuité n’est pas assurée, à l’exception du canal des Pangalana. Ils citent d’ailleurs deux exemples pour étayer leurs affirmations. Le premier concerne la Betsiboka. Quand on décide de reconstruire le pont détruit pendant la Seconde guerre mondiale, il a fallu amener sur les chantiers, au départ de Mahajanga, quelque 1 500 tonnes de vivres et de matériaux. « Malgré les essais répétés, on n’en put acheminer que quelques tonnes par la rivière jusqu’aux environs immédiats de l’ouvrage. La distance plus longue et surtout les difficultés de la navigation étaient telles que le transport terrestre s’avéra plus économique. »Le deuxième exemple cité concerne l’exploitation des charbonnages de la Sakoa qui sont l’une des richesses encore inexploitées de Madagascar. En attendant les camions lourds et l’établissement d’une voie ferrée, des essais sont réalisés pour conduire le charbon à la mer en utilisant le fleuve Onilahy. Mais on ne peut utiliser que des pirogues qui ne peuvent transporter au maximum que 1 500 kg, avec un équipage de deux hommes. « Compte tenu des étiages et des crues, le voyage durait en moyenne un mois et il fallait une flottille de plus de deux cents pirogues et quatre cents piroguiers pour un trafic qui n’a jamais dépassé 2 200 tonnes annuelles. » De plus, les pirogues remontent toujours à vide. Enfin, la mouille toujours à craindre et les nombreux transbordements à effectuer nuisent à tel point à la qualité du charbon qu’il faut absolument renoncer à ce mode de transport.
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