Lutte de crasse


À quelque chose malheur est bon. Il a fallu cette épidémie providentielle de peste, c'est bien le cas de le dire, pour qu'on se décide et qu'on emploie les grands moyens pour se débarrasser des crasses séculaires dans les villes et villages. C'est maintenant qu'on réalise qu'on est assis depuis des années sur une mine d'or... dures qu'on a oublié de déblayer ou a défaut d'exploiter. Et d'un coup, le gouvernement trouve des moyens importants pour faire le boulot alors que depuis 57 ans, aucun pouvoir n'a pensé à doter les grandes villes d'un service de voirie adapté aux besoins d'une population grandissante, gonflée par un exode rural incontrôlé et irréversible. Au fil des années, le problème s'est compliqué avec des infrastructures dépassées en quantité et en qualité, les constructions illicites qui ignorent les normes les plus élémentaires d'hygiène, un anarchie érigée en règle de vie par une population de plus en plus inculte et indisciplinée, hermétique à toute éducation et sensibilisation. La gestion d'un chef lieu de province en général et la capitale en particulier a toujours fait l'objet d'une bataille politique entre le PSD et l'Akfm, entre l'Arema et l'Akfm, entre l'Arema et Tiako Iarivo, entre le TIM et le TGV, entre le HVM et le TIM. On n'est pas sorti de l'auberge et la plaie a été remuée en public et devant la communauté internationale la semaine passée à l'hôtel Carlton lors de l'ouverture de la réunion sur les finances locales. Le Premier ministre a encore trouvé les moyens de déclarer qu'il n'existe pas de subventions exceptionnelles, comme si la situation ne l'exigeait pas ? Sinon son homonyme , l'OMS ( initiales du Premier ministre) , n'aurait pas débloqué illico presto 300.000 dollars pour parer au plus pressé. En 57 ans d'indépendance, on n'a jamais su gérer les ordures comme et qu'on n'a pas voulu ni pu doter les sapeurs-pompiers de moyens autrement que par l'assistanat et la mendicité. On se dispute le ramassage des ordures pour en faire un enjeu politique sans la moindre efficacité.On a toujours fait dans le superficiel et dans la propreté de façade lors des grandes occasions comme le Sommet de la Francophonie pendant lequel on avait sorti les blindés pour surveiller ceux qui jettent les emballages de chewing-gum dans la rue, les Jeux de la Francophonie en 1997 pendant lesquels on avait réussi à dégager Analakely de ses marchands sauvages. On n'a jamais compris que l'hygiène et la propreté c'est d'abord pour ceux qui sont condamnés à y vivre juqu’à l'éternité et non pour les beaux yeux de ceux qui ont le privilège de visiter l'île la plus pauvre du monde. Pendant des années on n'a jamais cherché comment traiter les ordures de façon rationnelle, à imaginer qu'un jour elles pourraient ensevelir toute la ville, tout le pays. Y penser, c'est faire une bonne politique, c'est gouverner. Il eut été injuste et miraculeux qu'un jour ou l'autre la peste ne naisse ipso facto dans son berceau naturel. Après des années de sursis les bornes sont dépassées et les conséquences sont immédiates et dramatiques. Reste que ce ne sont pas toujours les vrais fautifs qui paient de leur vie la négligence des autres. On ignore quand est-ce qu'on verra le bout du tunnel dans cette tragédie moyenâgeuse. A en croire la météo du ministère de la Santé publique, la saison pesteuse courra jusqu'en mars. Il va falloir se gargariser de beaucoup d'anticorps pour pouvoir résister à cette pandémie. La bataille se complique à partir du moment où elle gagne les zones urbaines comme le craint l'OMS a juste titre. On espère que les survivants, dirigeants comme habitants, auront retenu la leçon. On s'est trompé d'ennemi il y a quelques années en menant à fond la caisse la lutte des classes. Aujourd'hui on réalise que la lutte de crasse est la révolution qu'il fallait faire. Socialiste ou capitaliste, c'est la base de la meilleure des Constitutions. Par Sylvain Ranjalahy
Plus récente Plus ancienne