Démocratie-attitude


La dernière fois que j’ai été voter, c’était en 1999. Aux municipales d’Antananarivo. Depuis, on ne compte plus les scrutins : présidentielles (2001, 2006, 2013), référendums constitutionnels (2007, 2010), législatives (2002, 2007, 2013), municipales (2003, 2015). Cette façade d’élections régulières donne toutes les apparences d’une démocratie. La multiplication des élections ne signifie pas grand-chose quand l’idée démocratique n’est pas ancrée dans les mentalités. En vingt ans, trois présidentielles, deux référendums, trois législatives, trois municipales : et alors ? Le mot malgache de «mandatsa-bato», verser son caillou dans l’un ou l’autre plateau de la balance pour faire pencher de part et d’autre du fléau, rend bien l’image de cette opération mécanique, machinale, de pure forme, par un électorat dont on sait le peu d’éducation. La démocratie représentative moderne faisant d’un homme, une voix, il est décourageant de voir un choix conscient, instruit, critique, se faire annuler par une voix achetée au kilo de riz, vendue aux enchères des tee-shirts et casquettes, hypnotisée par les décibels de concerts gratuits. Jusqu’en 1999, j’aurais donc essayé, avant de me faire une raison. Et le chiffre sans cesse en augmentation de l’abstention indique que je ne suis pas seul dans cette lassitude et ce scepticisme. Dans ces conditions, à quoi bon cette démocratie du suffrage universel, surtout tant que ledit suffrage universel demeure celui des plus nombreux aux dépens des plus capables ? Si des élections étaient la panacée, jamais Madagascar n’aurait connu les crises politiques de 1972, 1991, 2002, 2009, 2018 : on se souvient que six mois avant la grande crise de mai 1972, qui allait emporter son régime, un scrutin présidentiel avait crédité le Président de la République alors en exercice du score surréaliste de 99%. Et, déjà, nombre d’observateurs craignent que le verdict des prochaines présidentielles, novembre 2018 en principe, ne soit systématiquement contesté, et surtout par ceux qui n’avaient aucune chance de l’emporter, quel que soit le vainqueur officiel. On nous a appris que la démocratie tient par des valeurs (libertés individuelles, égalité des chances, solidarité de bon sens pour vivre ensemble) et un contenu pratique (limitation des empiètements de l’État par le Droit, délibération parlementaire, participation populaire) : Combien d’électeurs malgaches, et de politiciens locaux, le savent ? Combien de ces innombrables partis politiques y éduquent leurs membres, à défaut de ne pas tromper sciemment le «vahoaka» ? Madagascar est la preuve que des élections uniquement pour des élections peuvent devenir le problème plutôt que la solution. En amont de la suspicion post-électorale (élections vraiment libres, réellement transparentes ?), existe désormais une vraie méfiance envers le suffrage universel qui a plusieurs fois déçu : en découle un déficit de confiance qui aboutit au désaveu de tout le système. On ne décrete pas la démocratie, on s’y éduque, et on y éduque. La démocratie est réflexe quotidien, posture citoyenne, philosophie de vie. Le b-a, BA : respect des textes, et d’abord en restant dans leur cadre, au lieu de systématiquement descendre dans la rue. Respect des textes également en s’en tenant à ses délais : limitation des mandats dans le temps, certainement ; mais alternance, seulement aux époques indiquées, plutôt que de revendiquer chaque fois une anticipation précoce. Finalement, la démocratie passe par une éducation permanente à son esprit.
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