Les esclaves, à la fois butins de guerre et héritage


Sous la monarchie, le royaume merina est organisé en « menakely » ou seigneurie et en « menabe », domaine directement dirigé de la Cour par l’intermédiaire des épouses royales, entre autres, ou par un représentant de la famille royale, un gouverneur andriana. Leur structure s’adapte à l’organisation et l’évolution des castes, à savoir les Andriana (noblesse), les Hova (sujets libres), les Mainty et, en parallèle, les Andevo. Avant la conquête française et l’abolition de l’esclavage en 1896, le royaume est organisé suivant deux considérations principales, rappelle Janine Razafindratovo, dans son étude du village d’Ilafy ( Annales de l’Université de Madagascar, N°8). Ces considérations répondent d’une part, au souci d’une hiérarchie asseyant le pouvoir royal sur des bases stables, car son absence entraine l’anarchie. D’autre part, au respect des ancêtres, car « l’on appartient à la caste de ses ancêtres et ce serait les offenser que de vouloir sortir du groupe ancestral ». À l’intérieur de l’organisation « menabe », les deux castes en présence, celle des Hova et celle des Mainty diffèrent par leur origine, par leur statut d’hommes libres ou d’esclaves, par leur fortune. L’auteure de l’étude écarte les Andriana dont le gouverneur est pratiquement à l’extérieur du système, étant avant tout le représentant de la famille royale. Janine Razafindratovo résume ce qu’il en est des Hova, en citant le cas d’Ilafy. Leurs familles sont groupées en lignages et tous sont membres de droit du fokonolona. Hommes libres, ils participent au soutien de la monarchie par l’exécution des corvées royales, le service militaire, le paiement d’impôts de toutes sortes. « Ils possédaient des terres, les circonstances firent qu’avec le ralliement de Hagamainty à Andrianampoinimerina et l’arrivée au pouvoir de Rainiharo, leurs privilèges, leur fortune, leur influence ne cessèrent de croître. Tous les Hova n’appartenaient évidemment pas à ces lignages dominants, mais l’ascension de tous fut aidée, directement ou indirectement, par l’appartenance de ceux-ci au village. » Pour rappel, les Mainty, eux, proviennent d’autres groupes ethniques de l’ile, d’Afrique, de castes merina déchues, et ce, pour diverses raisons (guerres, traite, esclavage pour dettes ou pour autres crimes…), mais aussi des affranchis. Concernant le cas d’Ilafy, par exemple, la plupart des esclaves font partie des butins de guerre des Hova. « Le fait reste qu’à côté des Hova, de teint clair, aux cheveux lisses, les Mainty sont, malgré les mélanges qui n’ont pas dû manquer au moins clandestinement, plus noirs et ont les cheveux crépus, au point qu’il est possible de les distinguer les uns des autres. » Les membres de cette caste sont « propriété d’autrui ». Si leur vie appartient au souverain seul, leurs maitres « en usent à leur guise ». Ils accomplissent alors pour ces derniers les corvées, cultivent leurs champs, leur servent de domestiques et de bouviers. « Ils pouvaient également être vendus à tout moment, n’avaient de famille que si leurs maitres leur donnaient le temps de s’en créer une, ne faisaient évidemment pas partie du fokonolona, avaient perdu la mémoire de leurs parents et ancêtres restés dans leurs tribus d’origine. » Leur vie est donc liée à celle de leurs maitres. Il en est ainsi de leurs conditions de vie matérielle. Leur effectif augmentera en parallèle à la fortune de leurs maitres puisque « la possession d’esclaves est un capital comme un signe de richesse ». Ils deviennent avec le temps majoritaires par le nombre tout en restant exclus du droit de propriété et du pouvoir de décision. Comme le dit Andrianampoinimerina, les esclaves sont à la fois « un butin et un héritage ». En tant que butin, il ne faut pas leur permettre « d’allonger la tête pour prendre le bien d’autrui ». C’est-à-dire se hausser au-dessus de leur condition et, entre autres, vouloir prendre femme dans la caste supérieure. En tant qu’héritage, « ils sont un trésor qu’on tient des ancêtres et un lamba épais qui nous protège contre la gelée quand il fait froid, ils nous mettent à l’abri des frimas quand il fait chaud, ils sont le matelas sur lequel on se couche, la base de notre bonheur, notre orgueil et notre richesse. » Texte : Pela Ravalitera - Photo: Archives personnelles
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