Blanchiment de capitaux - Le système de répression « inopérant »


Pour la énième fois, un organe indépendant de lutte contre les malversations financières déplore les énormes failles du système. Le SAMIFIN parle même d'un dispositif inopérant. Impuissant. Le mot est, probablement, trop lourd pour que Boto Tsaradia Lamina, directeur général du Service de renseignement financier (SAMIFIN), concède à ce qui semble être une réalité, vu la situation de la lutte contre le blanchiment d'argent et autres malversations financières, depuis le temps que cet organe indépendant et d'autre comme le Bureau indépendant anti-corruption (BIANCO), sont en place. Lors d'une conférence de presse, hier, à son siège, aux 67 ha, le numéro un de la lutte contre le blanchiment de capitaux et leur affectation au terrorisme, a reconnu que « l'ensemble du système de lutte contre ces délits, est inopérant ou du moins, non performant ». Par système, le directeur général du SAMIFIN entend les organes indépendants en charge de la lutte contre ces fléaux, le cadre légal, ou encore, la Justice qui doit prononcer les sanctions. Les propos de Boto Tsaradia Lamina ont été dits lors d'une conférence de presse, hier, pour présenter les premières restitutions d'une évaluation de la situation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, à Madagascar. Un diagnostic fait par une délégation de la Banque mondiale, conjointement avec celle de l'« Eastern and southern Africa anti-money laundering group » (ESAAMLG). Efficience Ce premier jet constate que « Madagascar n'est pas encore en conformité avec le standard international ». Continuer les efforts de réforme du cadre légal de lutte, notamment, l'adoption de la loi sur le recouvrement des avoirs illicites, une autre sur les transferts électroniques de monnaie et la refonte de la loi sur le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, est recommandé. La restitution indique, toutefois, que « les services spécialisés que sont le SAMIFIN et le BIANCO sont d'un niveau satisfaisant (…) ». Le numéro un du SAMIFIN soutient, cependant, que « même si les organes indépendants sont performants, lorsque des éléments du système sont inopérants, il n'y aura pas de résultat ». Le rapport préliminaire de l'évaluation conjointe de la Banque mondiale et du ESAAMLG soutient que « la justice, notam­ment, la Chaîne pénale anti-corruption (CAPC), sont loin d'être probantes dans la répression des faits de corruption, de blanchiment de capitaux et infractions assimilées ». A titre d'exemple, le directeur général du Service de renseignement financier a rappelé la triste statistique de « trois dossiers traités par la Justice sur plus de 130 sont transmis », par l'organe indépendant. La nécessité d'une justice proactive a, également, été soulevée, hier. Dans son rôle d'application, de faire respecter la loi, ainsi que, de maintien de l'ordre public, « l'on ne voit pas ce qui empêcherait le procureur de la Répu­blique d'activer une enquête par les instances sous son autorité ». Si la Justice est presque, systématiquement, fustigée lorsque l'on parle d'inefficacité de la lutte contre les malversations financières, notamment, l'action des organes indépendants n'en sont pas, pour autant, efficients. La raison est que, le SAMIFIN n'a pas encore le droit d'effectuer une saisine d'initiative. Pour pouvoir agir, une déclaration d'opération, ou de personne suspecte doit lui être soumise par les banques alors qu'il a été reconnu, hier, que « seuls 6% de la population ont un compte bancaire et la très grande majorité des transactions se font en liquide ». À titre d'exemple, pour l'année 2016, les déclarations d'opération, ou personne suspectes reçues par le SAMIFIN, équivalent seulement à   90 millions d'ariary. Ce qui est, résolument, dérisoire étant donné que cela équivaut au prix de certaines voitures d'occasion vendues sur les bords de la route et dont l'achat se fait en liquide. L'état des lieux dressé dans cette première restitution n'est pas nouveau. Seulement, depuis près de 10 ans d'existence du Service de renseignement financier, peu de choses ont changé. Reste à voir si les réformes prévues par les nouvelles lois en gestation apporteront les résultats escomptés. Garry Fabrice Ranaivoson
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