Pour la force citoyenne


Les problèmes fonciers sont tellement devenus des banalités de notre quotidien que l’on devient moins vigilant. Tel terrain accaparé par des multinationales pour y extraire la richesse de notre sous-sol. Des investisseurs privés comme des personnalités politiques et publiques font la loi autant dans les zones urbaines mais surtout là-bas, loin des caméras. Quand on est loin de tout, qu’on ne sait ni lire ni écrire, qu’un homme de loi et de l’administration avec les forces de l’ordre viennent vous dire que désormais vos terres appartiennent à d’autres, que faire ? Ceux qui ont eu le malheur de s’opposer à de tels agissements ont eu affaire à plus fort qu’eux. Rappelons le cas de Raleva. « À Madagascar le prix à payer pour contester les grandes entreprises est élevé » déplorait le directeur du Bureau d’Amnesty International pour l’Afrique australe. Une fois de plus, les militants pour l’environnement et les droits Humains sont traités comme des criminels. Ce qu’on retient est que Raleva est juste le bouc émissaire pour donner un message clair et effrayant aux autres militants qui œuvrent en faveur des droits humains et de l’environnement : « ceux qui oseront s’ériger contre les intérêts financiers des politiques subiront le même sort». Raleva n’est pourtant qu’un cas mais des milliers d’autres personnes subissent le terrorisme au quotidien pour qu’ils déguerpissent de leurs terres. Quelque part dans le Vakinankaratra, tout un peuple est en train de retenir son souffle. Bientôt, trois mille toits seront tout simplement ravagés par l’eau d’un barrage de rétention qui est en construction. Dans les districts d’Antsirabé II et de Frandriana, cinq fokontany seront justes rayés de la carte. « Pour l’intérêt de la population Malagasy » disait très facilement, trop facilement un « homme d’État » aux micros de journalistes qui sont venus lui poser des questions suite à la manifestation des villageois qui se dressent contre ce projet. Notre homme a mis en avant l’avantage économique de la construction. Oui, l’avantage économique pour qui? Continuera-t-on à mettre sur l’autel des avantages financiers de toutes sortes la vie de milliers de personnes qui sont sans voix ? Car mis à part l’argent, il y a des vies, des gens, des cultures en jeu. Comptons : trois écoles, sept églises, des milliers de kilomètres carrés de terres de vie et de ressources pour quelques milliers de familles seront anéantis. Si les vivants nous importent peu, il y aura également quelque mille cinq cents tombes sous la flotte. Si on s’amuse donc à faire la liste des vivants, des morts, des bêtes et des plantes, ceux qui ont eu la folle idée de permettre un tel acte auront pas mal à porter sur la conscience. Mais comme la conscience a été bien ligotée pour ne plus pouvoir dire un mot, tout est apparemment permis. Mais rien n’est joué. Il faut se rappeler qu’un peuple à qui on arrache la terre, la terre de leurs ancêtres, n’a plus rien à perdre. Ce qui se passe dans le Sud de Madagascar, concernant une exploitation minière, doit être un avertissement pour tous. Que l’on se souvienne également de Soa Mahamanina et d’autres soulèvements d’indignation populaires. Depuis que les élections sont en marche, tous les yeux sont rivés sur les urnes, les gesticulations des politiques. En attendant, on brade Madagascar à ceux qui ont de quoi soutenir les dilapidations pharaoniques à venir. Mais après, nous allons tous devoir payer plein pot. Alors, nous n’arrêterons pas d’haranguer nos esprits, les organisations de la société civile, le Haut-commissariat des droits de l’Homme, les églises, les dignitaires. Est-ce trop parler si on qualifie les élections de « farce» si nous pensons que l’avenir de la Nation se joue là ? Le gâteau est ailleurs et il est en train d’être partagé pendant que la diversion se fait.  
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