Oiseau et cornes symbolisent le pouvoir royal en Imerina


Marcelle Urbain-Faublée présente, à propos des similitudes entre le modèle de la demeure royale en Imerina sous ndrianampoinimerina et dans des régions malgaches qui sont moins touchées à l’époque par les influences européennes, mais aussi les Tranomasina Fitomiandalana dans le Rova d’Antananarivo, présente une hypothèse très séduisante : « La demeure du chef de clan, ancienne case royale, correspond à la sépulture des princes d’autrefois. Cette similitude est normale et nous la retrouvons à Antananarivo dans le cadre des anciens palais royaux : Mahitsielafanjaka, résidence du grand monarque est de même type que la Tranomasina, demeure sacrée où l’on prépare le cadavre du souverain avant ses funérailles. » Cette maison, ajoute-t-elle, correspond aussi au modèle des cases de circoncision que l’on construit sur la côte Est. Selon elle, cette double similitude témoigne, de façon exemplaire, des fondements sacrés du pouvoir monarchique, à savoir les rites funéraires qui maintiennent le contact avec la lignée ancestrale, et les rites de circoncision qui, avec la Fête du Bain, étaient destinés à ranimer la puissance sacrée du souverain (hasina). « Elle peut être aussi l’unité de certains concepts politico-religieux à Madagascar. » Cependant, commente Vincent Belrose-Huyghues (lire précédentes Notes), les constructions du Rova d’Antananarivo témoignent d’une évolution par rapport à celles de la côte au niveau de la symbolique comme à celui de la technique. Selon Marcelle Urbain-Faublée, à l’origine, les figures qui terminent les chevrons des demeures princières, des tombes royales et des cases de circoncision sont des oiseaux. En Indonésie, l’oiseau est le symbole de la royauté. « Les oiseaux ont d’abord matérialisé les divinités marines. Puis les ancêtres retournant à l’Est dans la mer (le coin des ancêtres est au Nord-Est), des lois ont placé des oiseaux sur les tombes, puis sur les maisons de ceux qui participaient de la puissance des ancêtres et des divinités, c’est-à-dire leurs descendants, les grandes familles patriarcales qui se sont trouvées dépossédées de leur puissance et de leurs prérogatives sacrées par la centralisation du pouvoir. » Toujours d’après Marcelle Urbain-Faublée, des oiseaux sont toujours placés sur les cases de circoncision que l’on détruit ensuite, mais sur les tombes et les cases royales, on place un triangle fait de perches de bois dont la pointe est tournée en bas. Peut-être représentation symbolique de l’oiseau, en tout cas première forme des tandro-trano merina. Or, poursuit Vincent Belrose-Huyghues, en Imerina, l’association de l’oiseau au pouvoir royal régresse nettement à l’époque d’Andrianampoinimerina. Le Voromahery, qui deviendra sous Radama Ier un symbole royal, n’est alors qu’une « division démique et le nom d’un corps d’élite, nom donné par le roi. Mais « l’utilisation de figures sur le toit, s’était maintenue et étendue à tous les Andriana (nobles)», pense Marcelle urbain-Faublée. Au Rova même, Manjakamiadana porte à l’extrémité de chaque perche, une main d’argent grossièrement figurée, mains qui, d’après Jully, auraient été reportées sur les perches de Besakana d’où elles ont disparu depuis. Une autre case porte de gros oiseaux qui sont déposés à l’intérieur de Mahitsielafanjaka. D’après les Tantara ny Andriana eto i Madagascar (T. II) du R.P. Callet, « Andrianam­poinimerina fit mettre à Mahandrihono (Ambohimanga) sur chaque maison un oiseau en argent et quatre pièces de bois en forme de cornes, le dessous de chaque oiseau était attaché par un fil en argent et les quatre cornes étaient liées au centre par de l’argent ». Selon Vincent Belrose-Huyghues, ce témoignage est capital car, d’une part, il prouve en Imerina l’association de l’oiseau et des cornes pour symboliser le pouvoir royal, Mahandrihono étant l’enclos royal au Rova d’Ambohimanga ; d’autre part, il explique l’évolution des symboles en Imerina par rapport à la Côte. L’auteur indique que le renforcement de la centralisation de la monarchie merina, dès le règne de Ralambo, fait perdre aux oiseaux leur caractère très spécifiquement royal, tout en conservant leur valeur religieuse et aristocratique. Parallèlement, Ralambo puis tous ses successeurs jusqu’à Andrianampoinimerina trouvent un autre symbole royal « qu’ils ont sans doute pris dans le contexte qu’ils contribuent à créer, celui d’une société agricole complexe fondée sur le riz et le bœuf, ou chez leurs voisins et suzerains sakalava ».
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