Pneumonnaie


Un gros scandale financier dans la lignée de l’affaire Razaimamonjy. Si les chiffres publiés par l’Autorité de régulation des marchés publics relayés sur les réseaux sociaux étaient vrais, on saurait pourquoi le pays est pauvre et n’aurait aucune chance de rêver d’émergence avec une telle gouvernance, une telle gestion de l’argent de l’État. Le document de mille pages relate les dépenses de chaque département ministériel pour l’exercice 2016. Rien que la lecture de quelques pages peut vous faire sauter au plafond avec des dépenses astronomiques valant un million de fois le prix des articles objets de l’appel d’offres. On peut ainsi lire pour le compte du ministère de la Sécurité publique un montant de 2.320.000.000 ariary pour l’achat de pneus pour un véhicule. Soit 58.000.000 ariary pour un pneu. Il s’agirait donc d’un achat pour un siècle d’usage ou bien de pneus en diamant. Toujours pour le compte du ministère de la Sécurité publique, on dénote des achats de consomptibles informatiques pour un montant de 9.818.750.000 ariary. Il s’agirait donc d’encre pour imprimantes essentiellement. Le ministère des Finances et du budget se distingue également dans ce document avec des achats de cinq papers cutters, quatre relieurs, quatre machines à reliure, un climatiseur à double fonction pour un montant de 12.356.000.000 ariary. Le ministère de l’Eau n’est pas en reste avec l’achat de consomptible informatique pour un montant de 9.992.500.000 ariary. La liste n’est pas exhaustive. Ce sont toutes les dépenses en général qui atteignent des proportions inimaginables. Là où on a des doutes c’est que de telles dépenses n’auraient jamais dû être validées par le ministère des Finances et du budget surtout à l’époque de l’ancien ministre Gervais Rakotoarimanana réputé pour sa rigueur et son intransigeance face à la demande de 4x4 des députés. Il est également impossible que de tels marchés aient pu échapper à la vigilance de l’inspection de l’État, de la Chambre des comptes et n’aient pas mis la puce à l’oreille de l’ARMP. Mais quand on sait le niveau atteint par la corruption qui gangrène toutes les institutions, rien ne serait étonnant. Avec de tels pactoles, il y a de quoi bander les yeux à tous les contrôleurs. On se demande également pourquoi les bailleurs de fonds sont restés de marbre alors qu’ils ne se la bouclent pas quant aux subventions octroyées à la Jirama, à Air Madagascar ou aux transporteurs. Ils reprochent également à l’État de ne pas faire assez d’investissements publics en faveur de l’éducation et de la santé. Ceci explique cela. Sachant les rudes formalités et les règles de procédures régissant les marchés publics, on a du mal à imaginer que de telles manœuvres puissent se réaliser sans coup ferir.Mais les faits ont montré, avec l’affaire Razaimamonjy, qu’on peut très bien détourner les deniers publics à sa guise en les affectant d’abord aux collectivités pour des travaux faisant l’objet de l’appel d’offres adjugé par un copain puis en obligeant les maires bénéficiaires à virer l’argent sur un compte donné. C’est exactement le même système étant donné que l’adjudicataire du marché pourrait être la même personne sous diverses identités et donnera sa part à la personne responsable du marché public quand la manne est débloquée. Dans tous les cas, si le document était authentique, il démontrerait que le pays a suffisamment de ressources pour faire face à ses besoins, qu’il est inutile de vivre d’assistanat et de mendicité vis-à-vis des bailleurs de fonds et de se soumettre au diktat des partenaires internationaux. Il suffit de bien les utiliser et de les répartir convenablement. Avec ces montants faramineux ( la pratique dure peut-être depuis 2014), on a de quoi équiper toutes les écoles d’ordinateurs , tous les hôpitaux de scanner et d’ambulances, toutes le villes de sapeurs-pompiers, retaper toutes les routes, construire des barrages hydrauliques et hydroélectriques... Et on ne s’étonne pas qu’avec le niveau de pauvreté, les concession­naires de voitures liquident leur stock de 4x4 avant même l’arrivée de la commande, que le marché du ciment et des matériaux de construction n’a jamais atteint un tel niveau, que les belles villas poussent vraiment comme des champignons. Pour ceux qui ne croient pas que la pauvreté a reculé de 20%, ils peuvent trouver la preuve dans cette épidémie de pneumonnaie. par Sylvain Ranjalahy
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