Renaître de ces cendres


Le discours classique du 06 novembre qui commémore l’incendie du Rova d’Antananarivo est de s’éterniser sur la tristesse et l’exaspération due à la perte d’un tel patrimoine historique. Puis, s’énerver ponctuellement sur le piétinement des investigations pour trouver le scélérat à l’origine du crime. La mélancolie et la colère, en toile de fond, sont des trames bien connues d’un certain caractère malgache, qui prend son temps pour se relever de ses cendres, panser ses plaies, tourner de nouvelles pages. À une époque où l’image est particulièrement forte, médias et réseaux sociaux ravivent le souvenir du 06 novembre en republiant cette vieille image qui remonte à 21 ans: Manjakamiadana ravagé par les flammes. Seulement, 21 ans se sont écoulés. Et s’il est parfaitement scandaleux de n’avoir aujourd’hui aucune information quant aux enquêtes menées et leurs issues, il n’en reste pas moins que 21 longues années se sont écoulées. Il est temps de cesser de verser des larmes inutiles sur un passé que l’on ne pourrait pas réécrire : ce qui est fait est malheureusement fait. Sans nécessairement oublier le passé, pourquoi toujours ériger la douleur comme étant le fondement de la réflexion ? Dans l’absolu, ce caractère nostalgique, qui oscille entre nonchalance et agressivité – les deux temporisés par beaucoup de kabary…, est sans doute l’une des raisons qui nous bloque pour avancer. Éternellement tournés vers le passé et presque assiégés par les blessures d’hier, nous en sommes là : tristes de ce que fut l’injustice de notre époque royale, outrés de ce qu’était notre passé colonial, scandalisés de ce qu’est notre vie sous la république et, dans la même foulée, offensés de la perte de nos repères culturels et donc, patrimoniaux. Si la réussite serait d’abord, comme on aime bien à le dire, une question de mental, notre mental à nous ne serait pas étranger à nos troubles. Manjakamiadana ne pourra pas effacer la date du 06 novembre de son histoire, mais elle restera une grande brûlée à vie, si, et seulement si, nous décidons que son histoire n’ira pas au-delà de ce triste évènement. C’est plutôt le moment d’ouvrir un nouveau chapitre positif, vivant et dynamique autour du patrimoine malgache en général et en l’occurrence, le Rova d’Antananarivo. C’est le moment d’envisager les lieux avec un esprit festif, renaissant, galvanisant, qui cesserait de cultiver ce phénomène de haine en soi pour laisser germer d’autres projets positifs. La génération de « l’après-incendie » est maintenant entrée dans une vie adulte, et en tout cas, espérons-le, une vie éveillée et active. Le temps à se lamenter sur ce qui est perdu devrait être maintenant consacré à comprendre, à se réapproprier, à transmettre et à conserver. Tout ceci ne dédouane pas l’État de consolider la protection du patrimoine matériel et immatériel malgache, tant des dangers dû au feu, des pillages et des fanatismes religieux qui tendent à exacerber certaines franges de la  population, mais aussi des dangers de l’oubli, de l’indifférence et de l’ignorance. Au-delà du Rovan’Antanana­rivo, la terre de Madagascar est semée de ces lieux historiques et symboliques, qui ont été des pierres angulaires d’une histoire commune et d’une identité particulière. Aussi, un grand bravo à ces quel­ques associations et citoyens, dont les initiatives communes ou individuelles contribuent à faire connaître ce que nous sommes, unis dans la diversité. Mialisoa Randriamampianina
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