Bemiray - Histoire - Le rouge et la rose


« Pour que la mer ne soit plus la limite de notre rizière » Une livraison entièrement axée sur Madagascar. C’est ce que Tom Andriamanoro propose à ses lecteurs dans sa chronique hebdomadaire, allant de l’histoire d’un grand écrivain francophone à la petite bête bizarrement appelée « Foza orana » (crevettes de pluie ?) en passant par certaine Église qui a défrayé la chronique du FJKM au début des années 2000. [caption id="attachment_65579" align="alignleft" width="346"] Joseph Ravoahangy Andrianavalona, Joseph Raseta
et Jacques Rabemananjara (au 1er rnag de g. à dr.)
étaient les exilés de l’insurrection de 1947.[/caption] Jacques Rabemananjara fait partie du patrimoine politico-culturel de Madagascar. Né à Nosy Mangabe en 1913, il est élu député de Madagascar aux élections de 1946, et condamné aux travaux forcés à perpétuité à la suite des évènements de 1947. De sa cellule, il fait parvenir à ses amis un long poème de révolte intitulé Antsa. Ses poèmes de prison comme Lamba (1956) ou Antidote (1961) le rapprochent des poètes de la négritude. Il a aussi écrit pour le théâtre pour ne citer que Les Boutriers de l’Aurore (1956) qui développe une rêverie sur l’arrivée des premiers Malgaches. Léopold Sédar Senghor ne disait-il pas : « Nous, politiques noirs, nous écrivains noirs, nous sentons aussi libres à l’intérieur du français que dans nos langues maternelles. Plus libres en vérité, puisque la liberté se mesure à la puissance de l’outil. » Ce que l’on sait moins, c’est que Jacques Rabemananjara fut l’un des plus grands pourfendeurs de la Révolution socialiste malgache et de son initiateur, dans un recueil d’une violence qu’on ne lui soupçonnait pas, intitulé Thrènes d’avant l’aurore. Le Front national de défense de la révolution (FNDR), ce montage de Didier Ratsiraka pour imposer la pensée unique, ainsi que la duplicité des politiciens, sont ouvertement visés par le poète : « Quelle honte, quelle infamie ! Ils se sont transformés en roquets aboyant à la voix de leur maître, Ils s’en sont tous allés à la soupe fétide Faite de boyaux d’anges et d’innocence d’enfants  À la soupe fumante aux relents de vodka. » Même notre pasteur « national », à l’avant-garde de la soviétisation de la vie politique en prend pour son étole. « La Nomenklatura prospère insolemment au cœur de la cité Plus florissante même que les jacaranda du printemps sur l’Anosy Notre Pasteur, homme de Dieu (…) Le grand pontife du mensonge au club fermé des corrompus Ny tody sy ny tsiny, Pasitera, misy e ! » [caption id="attachment_65580" align="alignright" width="218"] Jacques Rabemananjara est un grand écrivain francophone
qui a mis sa plume au service de son engagement politique.[/caption] Seize années durant, Madagascar s’enfonce dans les abysses, pendant que le Guide s’en va se ressourcer à Pyong Yang, Hanoi, ou Tripoli : « Notre île n’est plus rien qu’un grenier vide empli de famine et de cloportes Ravalé au niveau des pays les plus démunis Terre sainte de mes aïeux ! La souffrance de voir tes enfants toujours fiers De leur passé tout rayonnant de gloire et de vaillance, Aujourd’hui rabaissés en peuple de clochards. » Les photos d’enfants décharnés, du jamais vu à Madagascar, émeuvent le monde. Le poète s’insurge : « À ceux de tes enfants murés dans le ciment de la misère  À ceux dont les cris sourds Font lever dans l’eau boueuse des borborygmes d’agonie Ma voix sera leur voix, haute et sonore. » Il garde néanmoins et l’espoir et la foi en son pays, Madagascar : « Inaltérable sur son socle de déesse Immobile au milieu de la rafale et des fracas. Toujours sereine avec sa beauté forte de cent mille ans. Elle reste elle-même Intacte, indomptée Jeune et radieuse après avoir vécu mille et millions  De crises et de joies » Grand seigneur soucieux du respect dû aux ainés, Didier Ratsiraka garde le silence. Pourtant, il aurait pu répliquer, non pas en poète, mais avec cette même arme qu’est le français dont il est un véritable maître. Il préfère laisser son parcours d’homme d’État parler pour lui. L’Afrique entière dans sa conception du « Chef », n’a jamais compris pourquoi les Malgaches ont remplacé ce monument du savoir par quelqu’un qui est son contraire absolu. Et plusieurs années auparavant, Georges Pompidou lui-même a eu cette phrase qui vaut tous les hommages : « Dommage que cet homme ne soit pas français, j’en aurai fait mon Premier ministre. » Rétro pêle-mêle 2007, le Tour Operator Hobie Cat Adventures insert trois nouveaux pays dans son catalogue : la Croatie, la Turquie, et Madagascar. Le produit Hobie Cat Adventures propose aux voyageurs la découverte d’une destination en naviguant de crique en crique en hobbie cat, un mini catamaran avec un barreur et un accompagnateur. Le voyage de neuf jours et huit nuits coûte 840 euros par personne. Il comprend cinq nuits en bivouac ou le confort de bons hôtels pour les touristes plus classiques. Avec nos 5000km de littoral et l’insécurité des routes, le tourisme malgache gagnerait à réactualiser au plus vite cette formule d’aventure douce. [caption id="attachment_65581" align="alignleft" width="311"] L’actuelle cathédrale du FPVM à Antaninanandrano.[/caption] Religion : La paroisse qui dérangeait On est en 2002, et le torchon n’en finit pas de brûler entre le FJKM et le temple d’Andravoahangy Fivavahana. Il fallait tôt ou tard s’attendre au schisme le plus grave qui ait frappé le protestantisme malgache, et dont les raisons profondes tournaient autour de la personnalité même et les enseignements du pasteur de la paroisse. Autant la retenue et la soumission à la hiérarchie étaient des vertus cardinales au sein de l’Église Réformée, autant les conceptions personnelles du pasteur imprimaient à Andravoahangy un cachet totalement à part, basé sur ce qu’il disait être des relations directes avec le Christ, non seulement au temple, mais dans la vie privée des paroissiens. Il exerçait sur ses ouailles un ascendant digne d’un gourou, régentant leurs comportements et décisions notamment dans les problèmes de couples. Le pasteur pouvait s’appuyer sur un corps très homogène de « Mpiandry » de la mouvance Manolotrony dont se méfiaient toutes les grandes Églises. À Andravoahangy Fivavahana, on pourrait être « Mpiandry » à 15 ou 16 ans si telle était la volonté du Christ (sic). Les « Mpiandry » avaient ici la main mise sur les affaires du temple, alors qu’ailleurs ils restaient à leur place qui était celle d’une section ou « sampana » Ces débordements rapprochaient dangereusement la paroisse d’une secte, et cela ne pouvait être toléré dans les hautes sphères de la FJKM. Mais qui était au juste ce pasteur R., l’homme par qui le « scandale » est arrivé ? La légende qu’on a tissée autour de lui, parle d’un homme passionné d’ésotérisme qui aurait (conditionnel de rigueur) défié et vaincu un maître en magie noire. Les médisants lui prêtaient des pouvoirs surnaturels plus que suspects, oubliant que la bible elle-même est une apologie de l’irrationnel de la Genèse à l’Apocalypse. La rupture aurait dû être consommée dès 2001, quand les instances suprêmes de la FJKM avaient fixé au 3 juin de la même année, une affectation à forte connotation disciplinaire du Pasteur, après vingt sept ans de service à Andravoahangy. Mais un des mécènes les plus écoutés de la FJKM, et qui a fini par en être le vice-président, avait déjà des idées très précises sur son avenir et le rôle dévolu aux Églises en matière de relais d’idées et de couverture territoriale. Le moment était donc mal venu pour une fissure de cette importance dans l’édifice du protestantisme malgache, Andravoahangy Fivavahana n’étant pas n’importe qui. Avec 24 000 fidèles dûment recensés, la paroisse pouvait en effet prétendre à un trophée tananarivien, national, ou peut-être même mondial. Les « Mpiandry » y organisaient en semaine des séances de prières avec imposition de mains. Le culte dominical nécessitait trois entrées, un chiffre montant à cinq lors des premiers dimanches avec Sainte Cène. Cette performance était complètement hors de portée des autres paroisses. Comment s’en faire ouvertement un ennemi en pleine période pré-électorale ? La décision fut donc gelée et on a pu croire le différend définitivement réglé au vu de l’implication active d’Andravoahangy Fivavahana dans la lutte de 2002. Ses « Mpiandry » ont été de ceux qui ont participé à la « prise» des ministères, et sa méga-chorale était de la partie aussi bien sur l’Avenue de l’Indépendance que lors des deux investitures à Mahamasina. Il n’en fut rien. En optant pour le bras de fer, la FJKM ambitionnait de rétablir l’ordre dans ses rangs et mettre au pas son enfant terrible. Ce fut un échec, puisque les paroissiens optèrent eux aussi pour une solution extrême : laisser le bâtiment du temple à ses propriétaires, se délocaliser en second plan des quartiers de Besarety et d’Ampandrana, pas trop loin donc, et y créer leur propre Église protestante. Ainsi naquit le FPVM d’Antaninanandrano en 2003, rassemblant tous ceux qui se sont sentis poussés à la porte, et de très nombreuses nouvelles recrues. Dès ses premiers pas, Antaninanandrano était déjà un géant avec ses plus de 15 000 paroissiens et sa congrégation de 6 000 « Mpiandry». De son côté, la FJKM décidait de se défaire de sa trop grande rigidité. Axa la différence de l’Eglise luthérienne, il n’est plus interdit à certaines occasions d’applaudir au cours de l’office. Les réveillons de louanges et de prières se multiplient à chaque fin d’année, et les groupes de gospel reviennent à la mode. Au fil de l’éclosion de nouvelles tendances, la chrétienté malgache va-t-elle finir par faire sienne la sentence de Mao Tse Toung : « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent » ? [caption id="attachment_65582" align="aligncenter" width="468"] Dès le début, l’Église d’Antaninanandrano comptait quinze mille paroissiens.[/caption] [caption id="attachment_65583" align="alignleft" width="300"] Ces petits crustacés « prédateurs » sont introduits à Madagascar par on ne sait trop qui.[/caption] Prédateurs - Haro sur les « foza orana » Proliférant surtout après les pluies, les « foza orana », ces mini-écrevisses, sont résistants, cruels, et voraces. À l’inverse des autres espèces de crustacées d’eau douce, ils ne se cantonnent pas aux eaux des rivières, mais s’adaptent aux eaux stagnantes ou même boueuses. Ils sont nuisibles par nature et se singularisent par un taux de reproduction extraordinairement élevé. Résistants et vigoureux, ils sont un danger pour les autres espèces endémiques des marécages et des rivières. Les « foza orana » ne font pas la fine bouche, ils engloutissent les alevins, déciment des races de poissons, broient sans merci les racines des plants de riz. Ces dernières années, ils ont surtout proliféré dans quatre régions des Hautes Terres : Analamanga, Bongolava, Itasy, et Vakinankaratra. Ils sont commercialisés à vil prix sur les marchés puisque des personnes peu regardantes n’hésitent pas à s’enfoncer dans les canaux et déversoirs pour y faire des pêches miraculeuses. Mais d’où et quand sont-ils venus ? On parle du chantier du By-pass sans trop être affirmatif. Plus généralement, l’espèce a été identifiée pour la première fois en Louisiane, aux États-Unis, pour ensuite être repérée dans plusieurs autres pays dont le nôtre.
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