Entre boire et boire comme un trou


Ivre. Ivre au volant. Ivre en pleine rue. Ivre en lieux publics. Ivre à en crever. Ivre à faire crever autrui. Parce que l’alcool est un constant des traditions malgaches, en temps de joie comme dans la tristesse, il se retrouve aussi à la table du plus modeste comme au banquet du plus célèbre. Un peuple qui aime tant l’alcool mais qui n’a jamais appris à le consommer… Les conseils de modération semblent bien frêles devant cet hectolitre de soif à étancher, une soif que décuple la profusion de bars, de bouis-bouis et de lieux communs de beuveries plantés à la va-vite. Voilà quelques mois, une grande surface tananarivienne a même eu recours aux réseaux sociaux pour sensibiliser sur le respect de l’usage du parking, qui n’est pas un lieu de soûlerie. Aucun jour férié n’est épargné par son lot d’ivrognes affalés sur le bord des trottoirs, des routes et des pistes : on boit et pour boire, on boit. L’alcool en soi n’est probablement pas le problème. Il a toujours été présent, ici ou ailleurs, boire est un acte social qui, utilisé à bon escient et au bon moment de la journée – voire de la semaine -, aide à rompre bien des barrières insurmontables en temps de sobriété. Le problème, c’est cette idée reçue et répandue qui dit que pour « bien boire » il faut « boire comme un trou ». Et pour être saoul, il faut vraiment l’être jusqu’aux tréfonds de l’âme, cuver les fonds de bouteilles, s’imbiber comme un coton, toute dignité achevée. Et c’est généralement avec ce challenge du buveur invétéré que les jeunes rencontrent la première bouteille et la chérissent jusqu’à la dernière goutte, lorsque le plaisir du premier verre s’est largement évanoui. S’il est impossible d’enrayer définitivement l’alcool – et pourquoi le faire d’ailleurs, c’est un produit qui rapporte et qui reste sympathique dès lors qu’il n’est pas surconsommé -, c’est peut-être à nos habitudes de s’améliorer. Car contrairement à toute autre habitude comme fumer ou chiquer, l’alcool enivre et devient source de vrai danger immédiat pour celui qui boit comme ceux qu’il croise. De la même manière que les subtiles billboards publicitaires rappellent la marque et la bouteille dans nos subconscients, d’autres campagnes devraient aussi s’afficher. Comme celle qui explique ce qu’on entend par « consommer » et « modéra­tion » dans la phrase « consommez avec modération ». Comme une autre qui réapprend l’art de boire, pour que le fait de boire reste un plaisir et un moment partagé. Comme une autre qui alerte sur le danger mortel de l’alcool au volant. Et celle qui rappelle aux bars et épibars comme à toute personne de bon sens d’ailleurs, de ne plus servir un individu déjà alcoolisé. Mais puisqu’une autre habitude veut que l’on bougonne sur toute tentative nouvelle d’améliorer nos conditions de vie communes, pourquoi ne pas reléguer dans des travaux d’intérêt général toute personne appréhendée en état d’ivresse avancée en lieu public   À quoi bon avoir de gros buveurs du vendredi si ce n’est pas pour les aider à cuver leur alcool le samedi, un peu d’exercice physique et quelques canaux bien curés ne font pas de mal après une trop grosse cuite. Mialisoa Randriamampianina
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