Bemiray - Histoire - Il était une fois dans le Nord


Outre l’article sur le Nord de l’Île, Bemiray suscite également l’intérêt avec le ciné-concert, au moment où d’authentiques salles de cinéma réapparaissent, après le règne des bouges de films-vidéos. Enfin, un « remember » de Marc Rabemila et de Jean-Louis Ravelomanantsoa, deux humbles athlètes mais d’exception : on vous parle du temps que les moins de cinquante ans ne peuvent pas connaître, ou ne veulent pas (re)connaître. [caption id="attachment_70169" align="alignleft" width="347"] Le Pain de sucre, ou Nosy lonjo, se trouve dans la baie d’Antsiranana.[/caption] L’article suivant, de Tom Andriamanoro, est paru, pour la première fois, dans l’ancien magazine touristique Kouleur Mada. Il parle de la région la plus septentrionale de Madagascar sur laquelle les grandes puissances, de l’empire colonial français à l’Allemagne nazi, ont toujours eu des visées. Rainandriamampandry, grand dignitaire de la Cour de Ranavalona III, a défendu cette parcelle de terre malgache en ces termes : « Que vous me coupiez le bras au niveau du poignet ou du coude, la douleur sera la même ». Le cap d’Ambre a pendant longtemps toisé les navigateurs. L’amiral portugais Tristan Da Cunha l’identifia en 1506 sans parvenir à le franchir. Et quand, un siècle plus tard, cinq navires de la Compagnie des Indes arrivent à le doubler, leur livre de bord parle d’un « Cap réellement fâcheux à passer ». La baie est mentionnée pour la première fois sous son nom européen en 1635 par le Français Berthelot, auteur d’une carte orientale d’Afrique et de Madagascar. En 1833, le capitaine Bigeault baptise le Pain de Sucre et donne à une des nombreuses baies de la région le nom de son supérieur, l’amiral De Rigny. Le drapeau français apporté par le vaisseau La Creuse est planté le 15 février 1885, à la suite d’un traité franco-antakarana autorisant la France à « faire des installations à sa convenance ». L’administration française crée en 1888 un Service du Port qui inaugure une liaison régulière entre Antsiranana et le Cap Diego. Les premiers grands travaux se succèdent : construction d’un appontement en 1890, de la jetée en 1891, des installations de feux d’éclairage entre 1894 et I896. On est alors en plein conflit franco-malgache. Le 4 octobre 1898, un décret déclare Diego-Suarez « Point d’appui à la flotte française ». Les études pour la construction du bassin de radoub sont lancées. Les premiers dockers yéménites arrivent en 1924, apportant avec eux l’usage du khat. À partir de 1935 sous l’impulsion du gouverneur général Cayla, le port commercial bénéficie de nombreux travaux dont le nouveau quai d’accostage. En 1939, le spectre de la guerre plane sur le monde, et la Marine reprend à son compte les installations du bassin. Cosmopolite Diego-Suarez plonge dans la Deuxième guerre mondiale avec l’opération Ironclad programmée par les Forces britanniques pour le 5 mai 1942. Les autorités coloniales de Madagascar sont, en effet, alignées sur le régime de Vichy, et l’amirauté allemande a bien l’intention de neutraliser les convois alliés dans l’océan Indien. Les deux objectifs principaux d’Ironclad sont la base navale et le terrain d’aviation d’Arrachart. Parmi les péripéties, on retiendra notamment le débarquement du régiment East Lancashire sur la plage de la baie du Courrier, la marche des Britanniques sur Andrakaka qui commande l’entrée de l’isthme, ou encore la ronde dans les airs des avions Swordfish et Albacore décollant des porte-avions. Des tracts avec copie de l’ultimatum aux autorités pro-Vichy sont largués sur la ville. Bien que coulé, l’aviso D’Entrecasteaux continue de pilonner les positions anglaises pendant trente-six heures. Après le départ définitif de la Marine française en 1973, le gouvernement malgache nationalise l’Arsenal. La Secren hérite d’un des plus grands chantiers navals de la zone grâce à la capacité de son bassin de radoub : 199 mètres de long, 26 de large, 8 mètres de tirant d’eau à l’entrée. Elle diversifie progressivement ses activités en s’occupant également de maintenance industrielle, de fabrication mécanique, et même de menuiserie et d’ébénisterie. Mais la construction et la réparation navale demeurent sa principale vocation, pouvant assurer jusqu’à 85% de ses recettes. Elle rythme la vie d’une ville cosmopolite presque à la croisée de deux mers, mais que ses concepteurs semblent curieusement avoir orientée vers l’intérieur des terres.   Rétro pêle-mêle Parlons peu, parlons sport. On est en 2008, et un encart dans les pages nécrologiques d’un journal de la place nous apprend le décès, à 70 ans, de Marc Rabemila, professeur d’Éducation physique retraité. C’est cet ancien athlète exceptionnel qui introduisit Madagascar dans la cour des performances internationales, notamment, dans les sauts en longueur et en hauteur. Il a été le premier Malgache à taquiner la barre des deux mètres à une époque où le fosbury n’était pas encore de mise, et où il fallait s’arranger avec des styles comme le rouleau ventral pour ensuite atterrir sur du sable. Mais Marc Rabemila était aussi à son aise sur la cendrée de Mahamasina où sa vitesse dans les 100 et 200 mètres, ainsi qu’au relais, était légendaire. Très longtemps après, il fut rejoint au paradis des grands hommes par un autre monstre sacré, le sprinter Jean-Louis Ravelomanantsoa. Les deux hommes partageaient cette même qualité qu’est la modestie. Car si Jean-Louis fut, à un certain moment, l’homme le plus rapide de la planète en salle, et même s’il se hissa en finale du 100 m aux Jeux Olympiques de Mexico, il s’est toujours gardé de parler de lui et de son exceptionnelle carrière. Aux meilleurs de ses fils, la patrie amnésique … [caption id="attachment_70172" align="alignleft" width="300"] L’Orchestre national de Lyon, dirigé par Ernst van Tiel, a joué à l’Auditorium en 2016, les morceaux illustrant le film La Guerre des Étoiles.[/caption] Loisirs - Au ciné-concert ce soir Qui sait, les Landy Vola Fotsy étaient peut-être un peu des précurseurs. Cette troupe de danse et de théâtre, composée des enfants et héritiers artistiques du comédien Odéam Rakoto sillonnait les campagnes malgaches trois cent soixante-cinq jours par an. De véritables comédiens mais que les paysans ne payaient jamais en argent liquide, mais avec les produits de la terre, les « vokatry ny tany », et en leur offrant le gîte et les repas qu’on se partageait assis sur des nattes. Les Landy Vola Fotsy avaient l’habitude de se produire avec, en toile de fond, un écran où ils projetaient des images en rapport avec leurs thèmes et messages. Toutes proportions gardées, c’est un peu le principe du ciné-concert, très en vogue en Europe à partir des années 2000. Un exemple typique, celui d’une soirée au Royal Albert Hall de Londres, une salle mythique où Hitchcock avait tourné « L’homme qui en savait trop ». Les musiciens du Royal philarmonic orchestra s’installent, suivis du chef d’orchestre Ludwig Wicki. Un coup de baguette, et retentit l’indicatif de la 20th Century Fox, tandis que le logo du célèbre studio apparaît sur l’écran. Au programme, le célèbre film « Titanic » dont tout le fond musical sera interprété en live par l’orchestre philarmonique. La projection commence. Est-on au cinéma ou à un concert ? Les deux. C’est tout l’intérêt de cette première d’un « Titanic Live » auquel assistent cinq mille spectateurs privilégiés, dix-huit ans après le triomphe historique du film. Dans un pays comme la France, le succès de cette formule dans laquelle la musique du film est jouée en direct remonte à 2012. Trois ans après, le Palais des Congrès à Paris programme « Retour vers le futur » de Robert Zemecki, tandis qu’à Lyon, l’Auditorium de cette ville affiche « Spielberg et les musiques de John Williams » interprété par l’Orchestre national de Lyon sur un florilège d’extraits. Retour dans la capitale française, plus précisément à la salle de la Philharmonie où, sur un total de cinq cent vingt levers de rideau par an, figurent une vingtaine de ciné-concerts. Pour le spectateur, l’expérience vaut le détour car elle allie le cinéma des origines qui était muet, juste animé par un pianiste, et la puissance du concert symphonique. On sait que les modes de consommation de la culture évoluent notamment chez les jeunes qui prennent l’habitude de regarder des films tout en écoutant de la musique sur leur tablette ou leur smartphone. À sa manière, le ciné-concert réinvente la magie de voir un film en salle tout en « sacralisant » l’œuvre à la fois projetée et jouée. Certes, commercialement parlant, ce n’est pas encore le Pérou à tous les coups, l’image appropriée est au contraire celle des montagnes russes. Des hauts, des bas, des bas, des hauts… Dans une salle parisienne, « Le Seigneur des anneaux » et « Gladiator » ont cartonné, alors que, surprise, « West Side Story » était un échec. Selon ce producteur, « on n’attire pas les gens avec la musique seule, c’est le choix du film qui fait tout » [caption id="attachment_70173" align="alignright" width="300"] Les représentations théâtrales de la compagnie Landy Vola Fotsy était quelquefois appel à des images projetées sur un écran.[/caption] Très cher Pour qu’un film soit approprié à la version ciné-concert, il faut qu’il bénéficie déjà d’une notoriété certaine, et surtout que la musique y occupe une place de choix. Ce qui n’explique toujours pas le bide de « West Side Story », mais peut- être est-ce sa musique qui est passée de mode et ne motive plus la génération actuelle. « Titanic » a été un succès dans sa version live, balayant les appréhensions de son compositeur qui a fini par se lancer dans l’aventure : « Intéresser les jeunes à la musique classique a toujours été difficile. Les ciné-concerts sont un moyen formidable de les amener à elle, de les sensibiliser au pouvoir émotionnel d’un concert philarmonique ». L’attitude des musiciens sollicités pour un ciné-concert varie d’une formation à l’autre. Certains orchestres symphoniques comme celui de Paris, de Lyon, ou encore de Lucerne ont fini par s’en faire une spécialité. D’autres, au contraire, rejettent catégoriquement les propositions car « on n’y joue pas assez ». Et puis, se faire piquer la vedette par un film, se mettre à son service en quelque sorte, n’est pas très alléchant. Le contact direct avec le public est pratiquement inexistant. Monter un ciné-concert peut coûter très cher. Trois représentations du « Titanic Live » au Palais des Congrès a nécessité un budget faramineux de 700 000 euros, réparti entre les droits d’auteur et ceux d’exploitation, la location de la salle qui doit être adaptée techniquement et logistiquement, l’orchestre même sans grand soliste réputé, le chœur… Pour « Le Seigneur des anneaux », se plaint son producteur, « on a utilisé deux cent vingt personnes, ce qui représente déjà 50 000 euros rien qu’en frais d’hôtel ». Le prix des places peut aller de dix à cent euros, un écart s’expliquant par le fait que chaque projet est unique, et a ses propres spécificités. Le jour où les ciné-concerts ne marcheront plus, les connaisseurs prévoient qu’il sera toujours possible pour les producteurs de se rabattre sur les jeux vidéo-concerts. Dans tous les cas de figure, on sera toujours loin de la simplicité paysanne des Landy Vola Fotsy… [caption id="attachment_70174" align="aligncenter" width="300"] Le quatuor Prima Vista exécute un ciné-concert.[/caption] Voyage -  Contez-moi Soweto Lentement mais sûrement, Soweto est parvenu à se débarrasser de sa réputation de coupe-gorge du temps de l’apartheid. L’agglomération, dont le nom est en fait le diminutif de South West Township, est sortie de sa morne uniformité, avec, désormais, sa gamme de quartiers allant des plus modestes aux plus chics. Un peu à la « 67ha » mais toutes proportions gardées, les maisons « matches boxes » ou boîtes d’allumettes se sont agrandies et embellies au gré des imaginations et des moyens de leurs propriétaires. Et, image d’une réalité qui n’est plus la sienne mais qui rappelle que l’Histoire est un éternel recommencement, des bidonvilles sont venus se greffer à la périphérie. Le quartier le plus couru reste Orlando West qui fut celui de Nelson Mandela. Contrairement à certains endroits de Johannesbourg, on s’y promène en toute sécurité avec, il n’y a pas si longtemps, des rêves de Mundial au bout des semelles. C’était en 2010 et on ne pouvait trouver un cadre plus approprié pour rendre hommage à l’Afrique entière, se souvenir des humiliations passées, et des espoirs qui ne se sont jamais éteints. Lettres sans frontières Gilbert Bécaud, un cœur, une voix On a toujours l’impression que dans ses yeux Ses silences, il y a ce quelque chose Cet au-delà qu’il cherche Et qu’il ne peut atteindre... Le Petit Prince O toi De Saint-Exupéry Dans tes royaumes inconnus Où que tu sois je te le dis Le Petit Prince est revenu. Je l’ai vu ce matin Qui jouait sans défense Avec le serpenteau Qui l’a mordu jadis Qui l’a mordu jadis. Le soleil se levait Sur les terres de France Et le vent tôt levé Chantait sur les maïs Chantait sur les maïs. Il recherche partout Ta voix et ton visage Il demande partout L’avez-vous rencontré L’avez-vous rencontré ? Ce Monsieur du désert Qui dessinait des cages Pour les petits moutons Qui veulent tout manger Qui veulent tout manger. Quand il me vit passer Moi couvert de poussière Moi qui venais de près Moi qui n’avais pas faim Moi qui n’avais pas faim. Il me dit simplement Monsieur saurais-tu faire Revenir un ami Quand on en a besoin ? Quand on en a besoin ? O toi De Saint-Exupéry Dans tes royaumes inconnus Prend ton Breguet des Vols de Nuit Reviens car lui est revenu.  
Plus récente Plus ancienne