Questions à... Robert Baptist - « La nanoscience peut servir au pays »


Robert Baptist, conseiller scientifique au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Il développe l’importance de la nanoscience pour le développement. • Qu'est-ce qu’on entend par nanoscience ? - C’est une science qui s’est développée récemment, dans les années 2000. Si on remonte dans le temps, on sait que les scientifiques ont d’abord travaillé sur les matériaux, le fer, le cuivre, le verre aussi. Ensuite, il y a eu une période où ils se sont intéressés aux énergies. Comment transférer de la chaleur? Comment faire marcher un moteur? Comment faire voler un avion ? etc... En parallèle, il y a eu ceux qui ont travaillé sur l’optique et sur l’électromagnétisme. Vous vivez avec l’électromagnétisme, puisque vous faites la transmission d’onde. Fin XIXe siècle, début XXe siècle, il y a eu une convergence entre les ondes de l’optique et les énergies. Cela a donné lieu à ce qu’on appelle la physique quantique. Donc, à partir des années 1900, la physique quantique s’est développée et à ce moment-là, on a regardé à nouveau les matériaux d’une manière très différente. Ce qui a permis de développer les matériaux qui sont ici, qui sont les semi-conducteurs, pour faire des diodes, pour faire des transistors, ce qui a permis de faire la chimie, et ce qui a aussi permis de développer beaucoup de technique en biologie. Ça c’était dans les années 50, 60. On a vu apparaitre un mouvement pour réduire la taille des objets. Les rendre beaucoup plus petit que la taille d’un cheveu, qui mesure des microns, et aller dans les domaines des Nano. Nano ça veut dire dix à la puissance moins neuf, à un milliardième de mètre. Donc c’est tout petit, c’est inimaginable, mais c’est une échelle bien plus petit que les bactéries, c’est plutôt l’échelle des virus. Avec toutes ces techniques dont j’ai parlé, les scientifiques se sont appropriés ce domaine du nano du petit, et l’ont étudié. Ce qui a conduit à développer beaucoup de produits nouveaux. Maintenant on trouve dans le commerce, dans l’industrie beaucoup de ces applications des nanosciences qui sont devenues les nanotec­hnologies. • Pourquoi l’avoir apporté à Madagascar ? - Pourquoi? Parce qu’à Madagascar, il y a des étudiants aussi brillants que partout. Et il faut les attirer vers les choses les plus intéressantes. Comme je vous disais, il y a eu des travaux très importants qui ont été faits en nanoscience et en nanotechnologie depuis 20 ans, aux États-Unis, en Europe et dans les pays asiatiques. À Madagascar, il y a certainement des étudiants qui sont partis ailleurs faire leurs études ou qui ont appris ici à Antananarivo, les rudiments de la nanoscience. Nous, à Grenoble, dans le cadre du Minatec et du CEA, on est amené à travailler avec tous les pays du monde, on a décidé de créer des écoles dont celle qui va avoir lieu, cette semaine, à Madagascar pour apporter notre savoir et savoir-faire. Comme vous voyez, nous sommes trois retraités mais on reste actif. Nous avons travaillé pratiquement pendant une année sur les cours, développé les travaux pratiques et on vient transférer ce que l’on sait faire. Peut-être aussi apporter un peu l’enthousiasme que l’on a eu, parce que les nanosciences se sont développées en même temps qu’un esprit d’entreprise, très importante. Dans tous les pays où on a fait les nanosciences et les nanotechnologies, on a vu les jeunes qui avaient envie d’appliquer ça, de créer des entreprises, des start-up. Notre idée, c’est d’apporter un peu cet esprit ici et puis peut-être, convaincre quelques étudiants d’envisager leurs études scientifiques sur cet aspect. • Pensez-vous que cinq jours suffiront pour une formation aussi complexe ? - La formation qu’on va faire sera très pratique. Parce que ce dont on se rend compte, c’est que souvent, dans les pays en développement, les gens veulent faire de la théorie. Et nous, on vient surtout ici avec des travaux pratiques et on va faire travailler et la tête et les mains. Donc ce ne sera pas d’un niveau exceptionnel, ce n’est pas de la science que l’on fait à l’école normale, on va faire des choses compréhensibles, utilisables, et qu’on peut ensuite transférer dans la vie courante, mais basées sur les nanosciences et nanotechnologies. • Quels sont exactement les intérêts de la nanotechnologie par rapport au développement de la technologie ? - Par exemple, vous avez énormément de minéraux ici. Vous avez beaucoup de plantes dont on extrait le principe actif pour faire des médicaments. Vous avez aussi de l’énergie solaire à développer. Dans ces trois domaines, que ce soit la chimie, l’environnement ou bien les nouvelles énergies, les nanotechnologies entrent en jeu. Maintenant les panneaux solaires, ont connu beaucoup de progrès depuis 20 ans, et il faut qu’il y ait des scientifiques malgaches qui soient au courant des dernières inventions sur les panneaux solaires et qui soient aussi au courant de ce qu’il faut faire pour que dans un pays comme le vôtre, il y ait une maintenance de qualité. On a peut-être quelques idées à faire passer, peut-être aussi à faire des liens pour que les étudiants viennent chez nous faire des stages. • Combien d’étudiants voudriez-vous cibler durant ces cinq jours ? - Là on va avoir quarante-cinq étudiants. Chaque jour, il y aura des cours théoriques le matin, des travaux pratiques l’après-midi. On abordera différents aspects. Un aspect sur la cellule solaire, comment marche une diode, les batteries, et ce qu’on appelle du supercap. Parce que l’énergie solaire et les batteries sont très répandues dans le monde. Vous allez vous retrouver à Madagascar avec des millions de panneaux solaires qu’il va falloir recycler, des millions de batterie qui vont polluer partout, si vous n'y faites pas attention. Donc, il faut comprendre comment marche une batterie et comment le recycler aussi. Et tout, c’est une petite graine que l’on sème de manière à ce que les étudiants de l’université prennent conscience que tout ça, c’est de la belle science, ça s’apprend à l’université quand on fait un master ou une école d’ingénieur et ça peut servir au pays. • Combien de formateurs en tout ? - Nous sommes cinq ici et un autre qui vient de France. Il y a des professeurs malgaches qui nous accompagnent aussi. Interview réalisée par la RTA
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