Confiance, un bien grand mot


Je ne lis pratiquement plus les journaux malgaches. De temps en temps, la connaissance d’un faire-part nécrologique m’épargne un faux-pas social. J’avais arrêté d’écouter les radios et de regarder les télévisions malgaches en 2009 : la calomnie méthodique, la diffamation systématique, l’insulte frénétique, en mode imprécatoire de l’hystérie ambiante, ce n’est pas, et ce ne sera jamais, cette Chronique. Aussi, quand, après un, plus ou moins long sevrage salutaire, je me livre, un peu hasard, à une revue de presse, tout aussi aléatoire, je crois débarquer en pays inconnu. Et pourtant si familier. Familier. Quand je lis cet édito de Pierre Ranjeva dans Jureco de janvier-février 1992, l’auteur regrettant le désistement de l’alors Premier-Ministre-nanti-des-pleins-pouvoirs Guy Willy Razanamasy : «En proclamant haut et fort qu’il ne postule pas pour la IIIème République, M.Razanamasy a montré son désintéressement (...) n’ayant aucune ambition électoraliste et, partant, aucune clientèle à ménager, il était donc au départ, mieux placé que quiconque pour «remettre la machine en marche» quitte à combattre de front les promesses démagogiques et à prendre les mesures impopulaires et inévitables. Il n’en a rien été et le capitale sympathie, dont il bénéficie pour peu de temps encore, sera bientôt réduit à néant. (...) Faut-il s’étonner alors si déjà n’importe quel agent public se permet d’interpeller impunément le Premier Ministre ?» Un fonctionnaire, donc, qui interpelle le Premier Ministre en 1992. Sans doute les mêmes qui faisaient la grève Place du 13 mai, mais qui exigeaient d’être intégralement payés. De rebuffade de principe, en capitulation de facto, l’État malgache en est arrivé, en 1991, en 2002, en 2009, et donc, vingt ans plus tard, en 2017, à voir défiler, d’abord à la rubrique des faits divers, ensuite aux affaires pénales, et bientôt aux actualités politiques : des «secteurs clés» spécialistes du blocage de la «machine», des réservistes déclenchés sur le mode mercenaire «zanadambo», des régiments putschistes type CAPSAT, des policiers genre incendiaires de villages. Que ne faut-il pas lire dans cette rapide revue de presse. Si des immigrés Turcs ont pu se faire établir des faux visas, quel était le niveau d’implication des services d’immigration/émigration dont le responsable vient d’être nommé ministre de la sécurité publique en remplacement d’un prédécesseur défaillant ? Pourquoi un ancien responsable de la Gendarmerie sous la Transition dispose encore d’un garde-du-corps gendarme, abattu par ses pairs dans une louche affaire d’exploitation de carrière de pierres ? L’affaire de Befandriana n’avait-elle pas commencé par la suspicion que les policiers se livraient à un racket qui a fini par exaspérer la population ? Sans oublier l’évocation d’un magistrat impliqué dans une affaire de kidnapping meurtrier à Toamasina. Ni celui de la mort d’un magistrat liquidé par des policiers à Tuléar. Madagascar ne serait qu’une île-continent de tragiques faits divers. Ce n’est pas que je cesse de lire, d’écouter ou de regarder, les médias malgaches que les lynchages des uns ne vont pas répondre à la bavure des autres. Je sais encore rigoler cependant que l’archevêque d’Antananarivo prétende diagnostiquer une crise de confiance. En ce qui me concerne, et ce fut le point de départ de ce boycott, la confiance trahie, sans que jamais un mot d’excuse ne fût prononcé, date, bel et bien, de ce coup de force et d’accès de brutalités, dans la cour de l’épiscopat d’Antanimena. Un certain 17 mars 2009. Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja
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