Tiaray Fanahimanana - « Face à l'inflation, le gouvernement peut intervenir »


Selon l'article 2 alinéa 4 de la loi 2005-020 sur la concurrence, « le gouvernement peut prendre, contre les hausses ou les baisses excessives des prix, des mesures temporaires motivées par une situation de crise. • Comment le gouvernement peut-il appliquer ces mesures ? - Tiaray Fanahimanana. Cette loi a été votée dans une finalité de réguler la concurrence à Madagascar. Cependant, réguler ne signifie pas intervenir à chaque fois. La loi met en exergue la règle de libre fixation des prix par la loi de l’offre et de la demande. Néanmoins, cet article prévoit une possibilité pour le gouvernement d’intervenir dans des circonstances bien déterminées. . Actuellement, peut-on parler de crise ou de circonstances exceptionnelles ? - La question peut se poser, car il ne s’agit nullement d’une calamité. Mais on peut faire une autre réflexion. La situation dans laquelle on vit aujourd’hui avec l’augmentation du coût de la vie est, elle aussi, une situation manifestement anormale. Ces mesures peuvent donc aller jusqu’à la fixation des prix par le gouvernement dans un secteur donné. On se demande alors pourquoi le gouvernement n’a pas fixé les prix dans d’autres secteurs comme le riz. • Quelles sont les balises pour éviter les abus de cette mesure ? - Les balises existent puisque le même article énonce les conditions dans lesquelles ces mesures doivent être prises. Elles seront temporaires et non définitives, dans une période prédéterminée qui n’excède pas six mois. L’autre limite à cette latitude réside dans le fait que le gouvernement doit obligatoirement demander l’avis du Conseil de la concurrence, un organisme qui a vu le jour avec la loi suscitée. Le Conseil est alors amené à donner des recommandations au gouvernement sur les possibles impacts de telles mesures et de leur faisabilité. • Une demande d'avis au Conseil, notamment sur la situation actuelle, a-t-elle été faite ? - L’avis du Conseil ne lie pas le gouvernement, mais en tant qu’organe spécialisé dans la concurrence, il est le mieux placé pour éclairer ce dernier dans ses démarches en la matière. Jusqu’ici, aucune demande d’avis en ce sens n’a pas été déposée auprès du Conseil de la concurrence. C’est quand même étonnant de mettre en place une entité spécialisée et de ne pas l’utiliser à bon escient. • Ne risque-t-on pas qu'une intervention étatique dans les prix n'entraîne une hausse plus importante lorsque la mesure sera levée ? - Selon les théories des économistes néolibéraux tels que Milton Friedman ou Thomas Sargent, l’intervention de l’État n’est pas toujours bénéfique pour l’économie. En effet, si l’État fausse la concurrence en prenant de semblables mesures, car il ne laisserait plus jouer librement la règle de l’offre et de la demande en fixant les prix, il y a de fortes possibilités que les prix remontent à la fin de la période qu’aurait prévu le décret. Mais leur stagnation n’est pas aussi à exclure si le marché connaît un certain équilibre. Prenons l’exemple des prix du riz sur le marché qui connaît une forte hausse. L’État a importé du riz de l’étranger afin de combler cet écart avec la demande. Mais, l’on est surpris de voir que le riz local a presque le même prix que le riz importé, censé le faire baisser. Économique­ment parlant , le prix du riz aurait dû baisser sensiblement. • Quel est alors le problème ? - Le problème est ailleurs. C’est soit la spéculation, soit la politique. La spéculation dans le sens où tout agent économique cherche le profit, d’autant que la situation actuelle est tellement propice à ce genre d’agissement. Quant à la politique, on se demande si le pouvoir en place utiliserait cette montée des prix pour manipuler l’opinion publique en vue des élections de 2018. Car l’année suivante, viendra celui qui sera « le messie », celui qui, par des mesures commerciales ou administratives, arrivera à faire baisser les prix. C’est la manière dont le gouvernement évalue d’avance les risques, qui compte. Évidemment, c’est là le grand intérêt pour lui de saisir le Conseil de la Concurrence pour demander son avis. • Comment le gouvernement peut-il manœuvrer lorsque les produits stratégiques comme le riz et le carburant sont monopolisés par des consortiums ? - Une des manœuvres qui se trouvent entre les mains de l’État, est encore de saisir le Conseil de la concurrence, seul organe administratif compétent pour sanctionner les abus de monopole. La loi 2005-020 prévoit les pratiques anticoncurrentielles que le Conseil connaît dans son domaine de compétence et le cas du monopole y est détaillé. Ce texte dit aussi, qu’il est de la compétence de cet organe d’imposer les mesures nécessaires en cas de monopole ou de concentration économique préjudiciable à la concurrence. Enfin, cette loi énonce que les concentrations économiques ainsi que les monopoles prohibés sont soumis aux mesures édictées par le Conseil de la concurrence. Le refus de se soumettre à ces mesures peut faire l'objet d'une sanction pécuniaire prononcée par ce Conseil. Propos recueillis par Garry Fabrice Ranaivoson
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