Dossier - Bernard Ramanantsoa - « Les meilleures institutions, à terme, seront celles qui n’auront pas transigé sur la qualité »


Phénomène relativement récent à Madagascar, la formation en management prend de plus en plus de place dans le paysage de l’enseignement supérieur du pays. En effet, nombreux sont actuellement les instituts qui revendiquent le statut de business school. Mais en connaissent-ils les enjeux ? Sont-ils prêts à relever les défis actuels proposés par un tel statut ? … Qui de mieux que Bernard Ramanantsoa, directeur général honoraire du groupe HEC Paris et actuel président de l’International Advisory Board de l’ISCAM pour en parler. Quels sont les grands défis des écoles de management actuels ? « Le grand défi » est clairement le financement du développement des écoles de management. Dans de nombreux pays, les pouvoirs publics financent de moins en moins ces établissements. Malheureusement, les investissements liés aux nouvelles technologies et à la nécessité d’internationaliser les programmes et les corps professoraux demandent de plus en plus de moyens. Selon votre lecture de la situation, quelles sont les particularités de l’environnement de la formation en management à Madagascar ? Je ne suis pas sûr que les spécificités soient si nombreuses. Les défis que je mentionnais plus haut concernent aussi Madagascar. Une particularité est probablement la croissance du marché, tant au niveau des bacheliers intéressés par le management qu’au niveau des entreprises qui auront de plus en plus besoin de former leurs cadres. Un dernier point peut-être : la nécessité pour tous les étudiants de maitriser plusieurs langues. Le niveau des bacheliers a connu une chute progressive (dans le monde en général et à Madagascar en particulier), que proposez-vous pour y remédier au niveau des écoles supérieures ? Il est vrai que le niveau moyen des bacheliers a baissé dans beaucoup de pays. Mais il s’agit du niveau moyen. Les premiers déciles restent de très bon niveau, voire même meilleurs, plus créatifs, plus ouverts qu’il y a quelques années. Il faut donc être très sélectif et ne pas transiger sur la qualité. Je sais que ce n’est pas facile, notamment s’il faut « faire du chiffre ». Mais les meilleures institutions, à terme, seront celles qui n’auront pas transigé sur la qualité. Vous-même, vous avez accepté de présider l’International Advisory Board de l’ISCAM, qu’attendez-vous de votre engagement ? Je crois qu’il faudrait surtout poser la question aux équipes de l’ISCAM, et en particulier à son directeur général, Monsieur Jaona Ranaivoson. Pour ma part, je pense que c’est une façon d’essayer de rendre service à une Institution dont j’apprécie les valeurs et la vision. C’est aussi, je crois, une façon de contribuer au développement de Madagascar. Que suggérez-vous aux autres parties prenantes pour appuyer l’accélération du développement des écoles de management ? Dans le monde entier, les alumni des institutions leaders ont un rôle majeur, qui ne cesse de s’accroitre. L’ISCAM doit pouvoir compter, dans les années à venir, sur une mobilisation « massive » de ses anciens diplômés. Nous sommes dans une « industrie » où l’image de marque est essentielle ; et les Anciens sont le vecteur le plus efficace de cette image de marque, dès lors qu’ils se mobilisent. Le numérique figure parmi les paramètres incontournables de la formation, en quoi pourrait-il aider les grandes écoles à relever les défis ? L’investissement dans le numérique, j’entends dans la pédagogie comme dans les sujets traités en cours, est désormais obligatoire. Les écoles qui ne le feront pas, ou le feront trop tard, seront décramponnées par la concurrence. Cela étant, je ne crois pas qu’il faille en attendre des « miracles » : comme toute innovation technologique, il s’agit d’un ajout et non d’une substitution : il faudra encore longtemps de bons élèves qui travaillent et des professeurs attachés à leur métier. Quel rapport pourrait-on faire entre les formations en management et le bouleversement économique mondial? Le bouleversement économique mondial crée beaucoup d’incertitude et des crises à répétition. Face à cela, il n’existe, à mes yeux que deux leviers : la culture générale, qui permet de revenir aux fondamentaux de l’humanité, et le courage qui est une vertu souvent trop rare dans ces périodes incertaines. En ce sens, dans quel axe les grandes écoles doivent-elles investir pour mieux négocier cette transformation ? Comme je viens de l’évoquer, il faut dans les écoles dignes de ce nom, en plus des cours techniques, des temps de réflexion sur les grandes questions géopolitiques, sur le devenir de l’Humanité et des mises en situation pour « éprouver » les qualités humaines des étudiants. Pouvez-vous nous décrire le profil-type d’un futur (proche) manager ? Il n’y a jamais eu de profil type de manager… heureusement. Demain, je pense cependant que tous les grands managers seront des hommes et des femmes à l’aise dans des univers multiculturels. Quel rôle devraient jouer les alumni d’une grande école dans cet écosystème ? Comment peuvent-ils concrétiser leurs actions avec plus d’aisance ? Je ne reviens pas sur ce que je vous disais plus haut : il faut des alumni engagés dans le développement de l’école, c’est-à-dire qui sont prêts à lui consacrer du temps pour la projeter dans l’avenir, sans se crisper sur ce qu’était l’école « de leur temps ». Pour les plus aisés, il faut qu’ils aident financièrement « leur » école. Cela se fait depuis longtemps aux États-Unis, et depuis quelques décennies en Europe : ce sera de plus en plus nécessaire. Demain, je pense cependant que tous les grands managers seront des hommes et des femmes à l’aise dans des univers multiculturels. Curriculum vitae Bernard Ramanantsoa est titulaire du diplôme d'ingénieur de Ecole Nationale Supérieure de l'Aéronautique et de l'Espace (Sup'Aéro) en 1971. - MBA d'HEC en 1976. DEA de Sociologie de l'Université Paris Diderot en 1987, - Doctorat en Sciences de Gestion de l'Université Paris Dauphine en 1991, suivi d'un DEA d'Histoire de la Philosophie de l'Université Paris-1 en 1993. - Chevalier de la Légion d'Honneur. - Officier de l'Ordre National du Mérite. - Officier de l'Ordre National Malgache. - Chevalier des Palmes Académiques. Distinguished EmeritusProfessor, il rejoint le corps professoral de HEC en 1979 comme professeur de stratégie et politique d’entreprise pour en devenir le directeur général de 1995 à 2015. Très actif dans la communauté scientifique et professorale, Bernard Ramanantsoa a été membre de plusieurs conseils d’administration et de l’« International Advisory Board » de différentes institutions d’enseignement supérieur. Il dirige également l’IAB de l’ISCAM depuis juillet 2017. Il est l'auteur de nombreuses communications et publications dans le domaine de la gestion des affaires. Il a reçu en 1989 le Prix Harvard l'Expansion en 1989 pour « Technologie et Stratégie d'entreprise » et en 1983 le Prix de l'Académie des Sciences Commerciales pour « Stratégie de l'Entreprise et Diversification ». Source : http://www.hec.fr/Faculte-Recherche/Membres-de-la-faculte/RAMANANTSOA-Bernard L’International Advisory Board de l’ISCAM Dans le cadre de sa mission d’accompagnement du développement des entreprises et de la Nation par la formation et la recherche en management, l’ISCAM s’est doté d’un International Advisory Board (IAB), en 2014. Il s’agit d’un organe de consultation et d’orientation stratégique qui renforce la gouvernance de l’ISCAM. Il est composé notamment de personnalités reconnues du milieu économique et des affaires, de diplômés de l’Institut et de représentants du monde de la formation tant au niveau national qu’international. Son ambition est de faire de l’ISCAM un acteur de changement inspirant pour le développement et le rayonnement de Madagascar. [caption id="attachment_70165" align="aligncenter" width="506"] Des membres de l’IAB et le comité directeur de l’ISCAM.[/caption] Cahier du management par ISCAM en collaboration avec l’Express de Madagascar
Plus récente Plus ancienne