À la rescousse des usagers, bientôt des électeurs


Cessation collective et concertée du travail destinée à appuyer des revendi­cations professionnelles, la grève est, pour faire court, un moyen de défense et de sauvegarde des intérêts d’une profession ou d’un corps. La loi fondamentale malgache actuelle, en son article 33, reconnaît formellement ce droit tout en lui assortissant deux conditions précises, compte-tenu de la délicatesse des situations que l’exercice de ce droit génère dans le fonctionnement de l’État. Ainsi est-il un droit exercé sous réserve de respect de deux autres principes de droit, dont l’un a trait aux prestations en faveur des usagers et l’autre à la postérité de la communauté nationale. Plus précisément, les deux seules limitations à l’exercice de ce droit fondamental par les agents publics sont la continuité du service public et la sauvegarde des intérêts de la Nation. Les différents textes législatifs pris en application de ces dispositions constitutionnelles déterminent les conditions d’exercice de ce droit dans chacun des corps de métier sans, toutefois, fixer les modalités par lesquelles il doit se réaliser concrètement à chaque circonstance. Toujours est-il que la conciliation de ces deux blocs de principes constitutionnels résolument contradictoires existe ; elle est matérialisée par le « service minimum ». La fermeture pure et simple d’un service public d’ordre régalien sans qu’un service minimum en charge de fournir les prestations usuelles soit organisé, porte gravement atteinte à la continuité du service public et, par ricochet, aux intérêts fondamentaux des usagers. En pareil cas, les règles procédurales préconisent l’intervention des forces publiques de sécurité en vertu d’une réquisition pour imposer son ouverture et, par là-même, l’organisation d’un service minimum en son sein. Point n’est besoin d’autres actes juridiques – tel qu’il aurait pu être requis par la règle du parallélisme des formes – qu’une simple réquisition pour rétablir l’ordre normal des choses. Tel est le droit. S’agissant plus exactement d’une actualité brûlante qui défraie la chronique, l’exercice libre de ce droit de grève, à la suite d’un mot d’ordre lancé à bon escient, s’est traduit par la fermeture pure et simple d’un service public régalien, rendant pratiquement impossible aux usagers d’accéder aux prestations usuelles dont ils ont besoin et qui y sont habituellement fournies. Or à ce que le commun des mortels sache, l’interruption abrupte des activités d’un service régalien relevant de la Justice, s’il fallait en arriver là, aurait pu faire préalablement l’objet d’un acte juridique formel à l’instar d’une ordonnance de fermeture dans le cas de certains établissements concernés. Tel n’était pas le cas. Il s’ensuit que les dispositions de l’article 12 du statut régissant la magistrature étaient tout simplement violées. Sans longuement commenter la justesse des causes défendues par les grévistes, ne faudrait-il pas à ceux-là mêmes qui exercent leurs offices au nom de celui qu’ils mettent en otage – les juges rendent leurs décisions au nom du peuple ! – lui faire bénéficier honorablement de ce « droit au service minimum » ? Les usagers candides doivent absolument être mis à l’écart du jeu sournoisement dangereux des manipulations pré-électorales. Ils en seront régulièrement avertis par un éclairage non partisan des actualités brûlantes. Par Laza Andrianirina, Enseignant en droit public
Plus récente Plus ancienne