Rivo Rakotovao - « Restons dans le cadre légal »


Le président du Sénat assurera l’intérim après la démission du président de la République. Sur les débats sur ses futures attributions, ou encore, le calendrier électoral, il requiert de s’en tenir aux prescrits constitutionnels et légaux. • Quelle a été la raison de votre rencontre avec le président de la Commission de l’Union africaine, la semaine dernière ? Ce rendez-vous a déjà été prévu lors d’un déplacement à Addis-Abeba, concernant la Réforme du secteur sécurité (RSS), mais le président de la Commission n’était pas sur place. Il a alors été décidé que nous allions avoir une rencontre à une date ultérieure. La raison de la rencontre est simple, notre Constitution prévoit qu’après la démission du président de la République, c’est le président du Sénat qui assure l’intérim. C’est un cas inédit en Afrique, il a alors voulu en savoir beaucoup plus sur la manière dont se déroulera l’intérim. Il a, aussi, souhaité connaître mon avis sur la conjoncture dans le pays, notamment, le processus électoral. • Certains y voient, pourtant, un empressement de votre part, pour l’intérim alors que le président de la République est toujours en place. Le président de la République a été préalablement, mis au courant de cette rencontre, puisqu’il est toujours en place, effectivement. Pareillement, pour la primature, où se déroulent les formalités administratives. En tant que président du Sénat, ce n’est pas à moi d’engager le pays dans quoi que ce soit. Comme je l’ai dit, il a été question de la manière dont se déroulera l’intérim. Ce n’est nullement un empressement, mais une anticipation et un partage d’information avec nos partenaires, pour les rassurer. • Qu’en est-il alors de la mission d’observation de Ramtane Lamamra ? Nous sommes dans un processus d’apaisement. L’appui et l’encouragement d’une élection transparente fait partie des formes de coopération avec cette institution internationale dont notre pays est membres. L’envoi d’émissaire pour voir ce qui se passe sur terrain est une démarche normale. • La conjoncture serait-elle houleuse pour nécessiter une nouvelle mission du Haut représentant du président de la C-UA ? La situation dans notre pays est toujours fragile. Il y a eu des actes de déstabilisation dès le début de ce quinquennat. Les divergences d’idées ont conduit certains à des actes de violence. Vaut-mieux prévenir que guérir. L’un des objectifs de l’UA est que les processus électoraux sur le continent se passent de manière apaisée. Étant membre de cette organisation, nous partageons ce but. • Sauf changement, la Haute cour constitutionnelle (HCC), devra publier un avis sur le rôle du Président par intérim. En attendant, comment concevez-vous la fonction que vous allez occuper ? La base est la Constitution. Elle est claire sur le rôle d’un président de la République et du Premier ministre, par exemple. J’accepte le principe qu’il y a des pouvoirs d’un président de la République élu, qui ne peuvent pas être transférés à un chef d’État non élu qui ne sera là, d’autant plus, que pour une courte période. Un Président par intérim, par exemple, ne pourra pas faire de nouveaux engagements au nom de l’État. Cela ne veut pas dire non-plus que la vie de la nation s’arrêtera ou qu’il faudra mettre en stand-by nos relations internationales, jusqu’à la prise de pouvoir du Président nouvellement élu. Il faudra en discuter et définir ce que sont les affaires courantes. • En tant qu’ancien président du parti HVM, comment sera la collaboration avec le Premier ministre de consensus et son gouvernement ? Cela ne devrait pas poser problème, parce qu’on sait, depuis le mois de juin, moment où le gouvernement a été mis en place, que telle sera la configuration de l’Exécutif lors de l’intérim. Chacun a le droit d’avoir ses obédiences politiques, mais il faudra les dépasser pour accomplir le travail et les obligations qu’incombent nos fonctions respectives. On peut avoir une sympathie politique tout en étant impartial. Un homme d’État doit savoir dissocier son opinion politique de ses responsabilités dans la gestion des affaires publiques. • Justement, quelle garantie a-t-on de votre impartialité lorsque vous serez Président par intérim ? S’il n’y a pas un changement du gouvernement où nous avons la présence de plusieurs courants politiques, cette appréhension pourrait être valable. Mais, aujourd’hui, avec la configuration actuelle de l’Exécutif, c’est une inquiétude qui n’a plus lieu d’être. Je serais un chef d’État par intérim de la République, tout comme il s’agit d’un Premier ministre de la République et de ministres de la République. Ces statuts nous imposent de travailler dans un cadre commun. C’est peut-être un aspect positif de la situation actuelle, puisque personne ne peut imposer ses idées dans la conduite des affaires de l’État. • Comme nous sommes en période pré-électorale, qu’en sera-t-il, par exemple, des inaugurations ? Cela fait partie des points à éclaircir. Nous verrons l’avis de la HCC. À mon avis il serait normal de faire preuve d’une certaine mesure durant la période officielle de campagne électorale. Comme je l’ai dit, toutefois, la vie de l’État ne devra pas s’arrêter parce qu’il va y avoir des élections. Il ne faut pas tout assimiler à des manœuvres politiques. Il est interdit, d’autant plus, aux hauts responsables étatiques de participer à la propagande électorale. Personnellement, je suis contre l’usage des biens et moyens publics dans une campagne. Je tacherais d’y veiller pour qu’il n’y ait pas d’amalgame entre affaire d’État et propagande. • Aujourd’hui, toutefois, c’est un point de débat. Les déplacements officiels du Président de la République, ses dernières semaines, ont des tons de campagne électorale. Certains ont tendance à oublier qu’il est toujours président de la République jouissant pleinement des prérogatives y afférentes et encore en poste. Il est toujours le chef de l’État, jusqu’au moment où il présentera sa démission. Il y a ceux qui veulent le réduire à son statut de candidat. Les ministres et autres responsables étatiques ou locaux faisant partie de sa délégation ou présents lors de ses visites sont là pour accompagner ou accueillir le président de la République.                                                                      "Toujours s’en tenir à la Constitution" • Concernant votre intérim, certains craignent que vous ne tentiez des manœuvres pour rester le plus longtemps possible à la tête de l’Etat, dont torpiller l’élection. J’ai entendu cela aussi. J’affirme ici que ce n’est pas le cas, ce n’est nullement mon intention. Je ne suis pas ce genre de personne. Il s’agit de l’intérêt et l’avenir de la nation. Est-ce bon pour notre pays ? Non ! Je ne pourrais peut-être pas convaincre les sceptiques avec la parole, mais l’avenir témoignera de ma bonne foi. C’est la Constitution qui prévoit cet intérim. Lorsque le moment sera venu de quitter ces fonctions, comme le prévoit la loi fondamentale, je le ferais. • Même si c’est un adversaire du HVM qui sort vainqueur des élections ? Je ne poserais aucun problème. Je déplore, toutefois, que certains camps martèlent déjà que si c’est le président Rajaonarimampianina qui sera élu, ce sera forcément parce qu’il y a eu des fraudes. La loi permet, pourtant, à chaque candidat de suivre de l’intérieur les préparatifs et les opérations de vote, en prévoyant des représentants de chaque candidat à tous les niveaux de la CENI, pour assurer la transparence et que les résultats soient acceptés de tous. Ce sont peut-être ceux qui tiennent de pareils discours qui pourraient penser à des contestations. • Qu’en est-il des bruits sur la responsabilité du HVM et de la présidence de la République dans les manœuvres pour reporter des élections ? Ce n’est pas vrai. Tous nos discours sur le sujet ont été cohérents. Aucun d’entre-nous n’a parlé de report. Certes, notre position au départ est de suivre le calendrier selon les échéances prévues par la Constitution. Seulement, il y a eu un autre contexte qui a amené d’autres décisions. Aussi, comme la CENI a donné son avis, et que le conseil du gouvernement a pris sa décision, nous nous y sommes tenus. Il n’y a pas lieu de débattre sur une question de jour. Le HVM, d’autant plus, s’est déjà préparé depuis longtemps, pour les élections. • Si le débat s’ouvre, le HVM serait pour ou contre un report des élections ? La question est pourquoi un report serait-il nécessaire ? Si le motif est clair et que cela se fera dans le cadre légal, nous prendrons part au débat. Nous n’adhèrerons, cependant, pas à toute démarche extraconstitutionnelle qui risquerait de provoquer un nouveau climat d’instabilité dans le pays. Le cas échéant, il y a des entités compétentes pour en décider. Aussi, nous subirons comme tous les autres acteurs. Nous serons, toutefois, de ceux qui encourageront cela. • S’il y a un report au-delà de l’année 2018 ? Notre position a toujours été de s’en tenir à la Constitution. Un calendrier qui ira au-delà de cette année sort du prescrit de la Loi fondamentale. Qu’y-a-t-il à Madagascar pour nécessiter de sortir du cadre légal ? Laissons à celui qui sera élu de redresser les sources de discordes politiques, dont cette Constitution. Dans le contexte où on se trouve, j’estime qu’il faudrait rester dans le cadre constitutionnel, puisqu’il serait périlleux d’arrêter le processus déjà en marche pour échafauder un nouvel accord particulier.
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