Panier percé


Investissement à fonds perdus. Qu’avons-nous tiré de toutes les élections en 58 ans ? Des crises et des manifestations de rue. Et après chaque crise, le pays descend un peu plus bas. Aujourd’hui, il se retrouve en sous-sol. Mais on s’entête à organiser les élections qui font du pays un modèle de démocratie, comme l’exige la communauté internationale même si 90 % des électeurs ne savent ni lire ni écrire. Les élections ont toujours été une forme « démocratique » pour adouber un président qui ne le serait jamais si les urnes n’avaient pas existé. Si on comptabilise le fonds injecté par l’État dans les élections depuis 1972 et surtout les fonds lapidés par les candidats pendant la campagne électorale, sans oublier la participation internationale dans le fameux basket fund qui est en fait un panier percé, on aurait pu construire des infrastructures routières, de santé, sportives ....dans tout le pays. Pour l’élection prévue vers la fin de l’année, l’État va encore casquer pas moins de 60 milliards d’ariary. Le gouvernement de consensus a pour mission principale d’organiser des élections impeccables et il se pliera en quatre pour gagner son pari. À côté, les divers syndicats sur lesquels les acteurs principaux de la crise s’appuyaient pour grossir les rangs des manifestants, ont profité du mouvement populaire pour relancer des revendications vieilles de la Transition, sinon avant. Ils n’auront pas satisfaction même si leurs revendications sont légitimes et valables en particulier celles des enseignants, parents pauvres de l’administration. Les diverses indemnités que l’État leur alloue depuis 1960 sont indécentes et n’ont jamais fait l’objet de révision ni de réajustement. Quand on sait qu’un instituteur de niveau baccalauréat, de deuxième classe, premier échelon est classé indice 540 dans la grille de la Fonction publique contre 1000 pour un inspecteur de police de même niveau et 750 pour un gendarme subalterne, on comprend mieux le bien-fondé des revendications et la récurrence des grèves. C’est juste une injustice flagrante et révoltante. On peut extrapoler les exemples et au fur et à mesure que les catégories, les classes et les échelons montent, l’écart devient de plus en plus énorme. Il est donc difficile, pour le gouvernement, de convaincre les syndicalistes que l’État n’a pas les sous pour satisfaire leurs revendications alors qu’il vient de déclarer que le financement des élections sera complet quitte à faire la planche à billets. Autrement dit, les problèmes resteront entiers au-delà de l’élection présidentielle et demeureront en permanence un foyer de crise latente. On a eu beau affirmer que la solution de la crise était l’élection en 2013, la suite a donné tort aux plus éclairés des analystes. Si des voix réclament aujourd’hui la nécessité d’une refondation de la société, ce n’est que justice. Il y a mieux et urgent à faire qu’une élection présidentielle dont l’issue pourrait ramener au pouvoir un ex-putschiste emmitouflé dans un manteau de révolutionnaire, ou un cow-boy esseulé par son troupeau qui rêve de gagner en un seul coup le gain de cent parties. C’est à prendre ou à laisser. C’est le choix qu’il faut faire.
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