Épuiser la logique de la démocratie


Ce n’est pas démocratique de venir perturber les fonctionnaires dans les ministères, de les débusquer dans chaque bureau et de les contraindre à abandonner leur poste. Quand aucune consigne ne les consigne, justement, la démocratie voudrait qu’on respecte leur choix de ne pas rejoindre la rue et la place du 13 mai. La lutte pour la liberté se mord la queue quand elle devient elle-même tyrannie : je ne veux pas aller sur la place du 13 mai, je ne veux pas faire grève, je n’adhère pas à votre «tolona», et c’est ma liberté. Parmi toutes les choses qu’il reste aux Malgaches à apprendre, il y a le mode d’emploi d’une grève responsable et d’une manifestation de rue qui ne dégénère pas en incendie de la radio nationale ni pillage des commerces ni saccage du domicile de particuliers. Cette démarche de prise des ministères avait été inaugurée lors de la crise de 1991. Mais, à bien y réfléchir, elle a été essayée, rodée et perfectionnée, sur le campus universitaire d’Ankatso. Au début des années 1990, régulièrement, des hordes de grévistes faisaient le tour des salles et des amphis pour interrompre les cours et contraindre étudiants et enseignants à partir. Pour d’obscures histoires de bourses. Ce sont ceux-là, éduqués dans cette méthode, qui ont fait souche dans la politique ou ce qui en tient lieu dans ce pays : la liberté d’anarchie et le refus qu’on soit indifférent ou hostile à leurs agissements. Hurler des insanités, proférer des menaces, entraver l’accès aux ministères : ça doit porter un nom quelque part dans le Code Pénal. Les médias internationaux, qui parlent de Madagascar uniquement parce qu’il y a un cyclone particulièrement dévastateur, une épidémie de peste, ou une crise politique, font preuve de trop de complaisance à ne jamais dénoncer l’attitude stalinienne de ceux qui sont aujourd’hui dans l’opposition, avec la ferme intention de revenir à un pouvoir qu’ils avaient exercé hier, sans plus de succès ni davantage de moralité. Cependant, crise il y a. Et il n’est pas plus démocratique d’ignorer purement et simplement la dénonciation publique de méfaits que le pouvoir a toujours fait semblant de ne pas voir ou faire systématiquement exprès de ne pas sanctionner. Des prévenus qui se retrouvent miraculeusement en évacuation sanitaire à l’étranger, des condamnés qui arrivent à s’évader tranquillement par mer ou par air, des alarmes lancées par le bureau de lutte contre la corruption superbement ignorées par des complicités en haut lieu. Il était stupide de penser que cela pouvait durer indéfiniment. Il n’y a rien de pire que de donner un ordre dont on n’est pas certain qu’il sera obéi. L’autre 21 avril, il eût été tellement plus avisé d’éloigner les éléments d’un EMMO, dont je dis toujours qu’il comporte un «M» de trop, celui de la dangereuse mixité entre des militaires formés pour la guerre, égarés parmi les éléments de la police et de la gendarmerie plus aptes au maintien de l’ordre en contexte civil et milieu urbain. Depuis le 13 mai 1972, les opposants successifs ont compris que le sang versé ne l’est jamais en vain pour alimenter le fanatisme. Ce pouvoir, jusqu’ici inaudible, doit pouvoir prendre la parole pour délivrer un message politique. Rendre la parole au peuple par la voie des urnes. Parce que cette foule qui vocifère sa haine n’est pas le peuple. Organiser de très démocratiques élections législatives anticipées après dissolution d’une Assemblée Nationale à géométrie tellement variable. Épuiser la logique démocratique et que chacun en tire la moralité. par Nasolo-Valiavo Andriamihaja 
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