Ambassadeur de valeurs et héraut d’un idéal


Dans la Grèce antique, on nommait ambassadeur un citoyen aux hautes qualités personnelles : protégé par un sauf-conduit, on le mandatait pour une mission précise. De statut diplomatique également, le héraut avait un rôle de messager : mandataire parfois de mauvais augure, il pouvait être l’objet de solides inimitiés. Mais, «messager des dieux» patronné par Hermès, le héraut jouissait d’une inviolabilité absolue. Dans son dernier discours en terre malgache, l’ancien Ambassadeur de France, François Goldblatt rappela cependant qu’en l’an 491 avant Jésus-Christ, les hérauts envoyés par les Perses à Athènes et à Sparte, avant que les deux cités grecques ne s’affrontent, furent tragiquement éliminés : jetés dans le barathron à Athènes, et précipités dans un puits à Sparte. Se faisant, pour l’occasion, héraut, l’ambassadeur de France avait tenu à achever son mandat en terre malgache par ces mots : «La vertu même des messages sincères demeure, aujourd’hui comme hier, de mettre en garde, en temps utile, quant à l’inéluctabilité de certains processus. (...) Au final, vous l’aurez compris, le messager peut changer, mais le message demeurera invariablement le même : plus que jamais, le passage à l’acte sur la voie des indispensables réformes». J’ai pu lire que «deux grands principes constituent les pôles de la race anglo-saxonne : le premier est que tout gouvernement doit reposer sur le consentement des gouvernés ; le second, que le rôle de l’homme d’État est d’éviter la révolution par la réforme» (H.A.L. Fischer, cité par André Maurois, Histoire d’Angleterre, Fayard, 1937, p.680). La socialiste «orthodoxe» Rosa Luxembourg (1871-1919) avait, dès 1898, posé la question centrale : «Réforme sociale ou révolution ?». Son adversaire idéologique, un autre Allemand, Eduard Bernstein (1850-1932), préférait de son côté améliorer la société par des modifications légales progressives en restant dans le cadre institutionnel. La révolution, comme transformation radicale et violente de la société, on en a vu la tyrannie liberticide, les dérives meurtrières et la folie destructrice, avec les révolutions française, russe, chinoise, khmer rouge. Ce ne fut que meurtres, pillages, tortures concentrationnaires. La certaine idée que l’on se fait désormais d’une société civilisée et des moeurs acceptables par notre époque nous oblige donc à la réforme pour nous éviter la révolution. Les idéaux à atteindre progressivement par ces réformes de l’intérieur seraient dans un autre «message à vocation universelle», celui de l’Europe : «dans l’ordre du politique, la quête de la justice ; dans l’ordre intellec­tuel, la quête de la connaissance». Cette Chronique n’approuva pas toujours la posture de l’ambassadeur François Goldblatt (Chronique VANF 13 mars 2013, «Voyons, Monsieur l’ambassadeur»), pourtant dans son message ultime, de ce 14 juillet 2015, il présentait admirablement les acquis de l’Europe : «ces héritages qui ont produit le plus spectaculaire développement des sociétés humaines que le monde ait connu jusqu’à présent, nous autres, nations européennes, cherchons à le partager. Parce que, en dépit de tous les accidents de l’Histoire, cet héritage nous a si bien réussi, nous cherchons, sans pour autant vouloir l’imposer, à le partager le plus largement possible». Et, parce qu’aucune femme ni aucun homme, de bon sens ne saurait ne pas les faire siens, passons complaisamment en revue ce message d’idéal : «les fondements de la démocratie tels que la Grèce nous les a enseignés ; le droit écrit tel que Rome nous l’a légué ; le christianisme comme socle spirituel et facteur structurant de la société et de la famille ; l’université comme temple de la connaissance ; l’esprit des Lumières comme idéal de justice et de liberté individuelle ; l’apprivoisement du capitalisme comme facteur de développement et de prospérité ; l’exigence d’une paix durable comme legs de deux conflits mondiaux épouvantablement meurtriers». Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja
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