Le magicien de la flute, plus vivant que jamais !


Il n’y avait certes pas eu salle archicomble au Carlton, en cette soirée de dimanche 1er Octobre 2017. Le public non plus n’a pas cru devoir arborer la tenue classique des grandes occasions mondaines comme le Carlton en abrite si souvent. Le Ton était donné par le Ministre en charge de la Culture en personne venu avec son épouse, en tenue décontractée, et de bon goût… et le public était au diapason…DIAPASON ! C’est véritablement le terme qui convient car la bonne musique était au rendez-vous : en hommage à une icône, entrée de son vivant dans la légende : RAKOTO FRAH ! « DADAKOTO » comme l’ont toujours appelé affectueusement les innombrables « fans », tout âge et toutes conditions sociales confondus, qui ont succombé au charme envoûtant de sa flûte magique. Si la décoration de la salle se voulait originale, avec des accessoires d’une inspiration  « avant gardiste », la tonalité générale du concert était en revanche sans nulle prétention : présentation sobre, directe, sans chichis ni fioritures inutiles, ni strass, ni paillettes, ni jeux de lumière sophistiqués, ni effets spéciaux intempestifs. En somme c’était à l’image du héros de la fête lui-même : SIMPLE. VRAI. AUTHENTIQUE……Et capable « de prendre aux tripes » une foule traversée de frissons sous une charge émotionnelle intense. Flash-back sur le parcours d’un artiste hors du commun mais qui a su rester humble, près de ses origines, même si son génie immense a rayonné à travers le pays, et le monde entier…. Son nom RAKOTO FRAH colle bien au personnage : populaire, fleurant bon le terroir, et orthographié au « naturel » sans adjonction de voyelles ni de consonnes qui trahit souvent une anglomanie mal digérée, comme en raffole souvent la nouvelle génération adepte d’un « American way of life », à la sauce tropicale… En fait c’est un pseudonyme. Car de son vrai nom, il s’appelle RABEZAOZA Philibert. Né en 1926 à Ankadinandriana Atsinanana dans une famille de 10 enfants. Très tôt, il s’est senti attiré par la flûte et le « Hira Gasy ». Il avait d’ailleurs de qui tenir et était à bonne école : car son grand père était un flûtiste réputé et l’avait initié à son art très tôt…Aussi, lorsque ce grand père mourut en 1936, d’emblée il prit sa succession et devint chef de la troupe folklorique. Il avait 10 ans ! Et prit le nom de RAKOTO FRAH pour respecter les dernières volontés de son grand-père. Ce fut le début d’une fabuleuse carrière qui devait conduire ce génial musicien, à peine lettré, aux quatre coins du monde. Et séduire les Grands. Pour ne citer que quelques prestigieux jalons de cette carrière. Lorsque le Général de Gaulle vint chez nous en 1958, RAKOTO FRAH fut spécialement mis à contribution pour présenter à l’illustre visiteur, des chants, danses, et airs de flûte typiques du fameux « Marakely ». Par la suite, le Président Philibert Tsiranana, Premier Président de la République Malgache, devait favoriser particulièrement la carrière de Rakoto Frah, en l’invitant à toutes les grandes occasions où la musique traditionnelle Malgache était à l’honneur. Temps béni, où les foires, les fêtes, les kermesses agrémentaient la vie d’un peuple qui goûtait les insouciances du régime bon enfant de « Dadabe Tsiranana », fort de son slogan « politikan’ny kibo »… Puis le temps a passé. Au fil des années, la notoriété de Dada Koto s’est affirmé. Il a évolué dans la cour des grands en accompagnant David Hanley, Henri Keiser, Myriam Makeba, Manu Dibango ! Excusez du peu ! … Chez nous, il était tout aussi à l’aise avec les Mahaleo, Jean Émilien, Jaojoby, Ricky, Rossy, Samoela et surtout les Feogasy, sa troupe de prédilection qui à clôturé dans un feu d’artifices le journée du dimanche 1e Octobre, aux alentours de minuit. La flûte de Dada Koto faisait merveille partout, et la jeune génération n’était pas la moins enthousiaste. Les premières tournées de Rakoto Frah à l’extérieur remontent à 1963. C’était à l’occasion de la journée internationale d’Alger. Depuis, il a emmené sa flûte dans près de 30 pays .Emmener sa flûte ? Non rectifie Dada Koto. « Ce n’est pas moi qui emmène ma flûte, C’est ma flûte qui m’a emmené jusqu’au bout du monde ». La flûte, c’était la raison de vivre de Rakoto Frah et c’est devenu une affaire de famille : sa femme, sa fille, ses petits enfants surtout(les Rakoto Frah juniors) sont là pour assurer la relève depuis que le patriarche a passé la main. Dada Koto avait déclaré : « La flûte et moi, c’est pour la vie. Nous serons ensemble jusqu’à mon dernier souffle » … Rakoto nous a quittés pour un monde meilleur en 2001. Un monde forcément meilleur, car les concerts célestes y sont désormais accompagnés par le valiha de Rakotozafy, l’harmonica de Jean Émilien, l’accordéon de Régis GIZAVO, et la flûte enchantée de Rakoto Frah. « Dadakoto » plus vivant que jamais. Dans le cœur des Hommes. Dans le chœur des Anges. Et pour l’Éternité… Par Julien Rakotonaivo
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