Les missions catholiques de Madagascar , ont grande confiance en la colonisation française, croyant que l’arrivée du général Gallieni limitera le rôle et l’influence de leurs homologues protestants, aussi bien dans l’évangélisation que dans l’enseignement. Selon Pietro Lupo (lire précédente Note), ce sentiment se reflète dans la presse, aussi bien en France qu’à Madagascar. La revue « Ny Iraka » (Le Messager) éditée par la Mission catholique d’Antananarivo, écrira le 1er août 1897 : « Le catholicisme marche aujourd’hui à la suite de la France et c’est ainsi que la France a toujours mérité d’être appelée dans l’histoire l’ Ouvrier de Dieu, gesta Dei per Francos. » Ces derniers mots constitueront même la devise, en sous-titre, de la revue. Le R.P. Piolet- « cet historien qui, du côté catholique, devait contribuer par ses écrits à la diffusion du cliché catholicisme égal colonialisme »- commente en 1898 : « La France est grande en dehors, surtout par le catholicisme dont elle est le propagateur et le défenseur officiel. Et rien n’a contribué à son expansion extérieure, comme l’œuvre accomplie par ses missionnaires et par ses religieuses. Il est donc du devoir le plus élémentaire d’un administrateur colonial de défendre, de protéger, d’aider ces religieuses et ces missionnaires. » Cet écrit parait dans les « Études », revue culturelle des Jésuites de Paris. Et il reprend même une boutade de Gambetta sur « l’anticléricalisme qui n’est pas un article d’exportation ». Mais cela ne changera pourtant pas les positions laïcistes. À l’époque où parait l’article, Piolet écrit déjà plusieurs livres sur Madagascar et entretient une correspondance amicale avec Gallieni, déjà gouverneur général de la nouvelle Colonie. En réalité, rien n’est plus loin de l’esprit de Gallieni que ce devoir élémentaire de « défendre et protéger les missionnaires », malgré les services qu’ils ont rendus à la France, « dans le Monde et à Madagascar ». Son attitude bienveillante à l’égard des églises au début de son mandat, obéit à « un projet politique nettement défini et différent de ce qu’espéraient les catholiques ». Le 1er juin 1904, il écrit à Alfred Grandidier : « Jésuites, frères et sœurs me considéraient comme l’homme prédestiné devant assurer dans l’Ile la ruine du protestantisme et la prééminence du catholicisme. Nous ne parlions pas le même langage. Je parlais de l’influence française, de l’organisation de la vie économique dans un sens français. On me répondait religion et catholicisme. » En tant que politicien, Gallieni obéit à un projet précis intégré dans la politique coloniale française : faire de la Grande ile une terre française qui assure ainsi son influence stratégique dans l’océan Indien, « enjeu principal de la rivalité franco-anglaise», et des Malgaches, « un peuple dévoué et fidèle à la France ». Ces motivations réelles de l’expansion occidentale dans le monde, se cachent souvent derrière un « langage philanthropique » en appelant aux notions de « civilisation » et de « libération des peuples des régimes tyranniques traditionnels ». D’après Pietro Lupo, au Soudan, la mission principale de Gallieni est « d’éliminer l’entreprenant Samori et de limiter la pénétration anglaise qui, de la Sierra-Leone, poussait vers les vallées du Niger, à l’intérieur du continent africain ». De même, en Extrême-Orient, la libération des régimes oppressifs et l’arrêt de l’expansion chinoise sont les arguments majeurs développés par le parti colonial qui pousse à la conquête du Tonkin. À Madagascar, il s’agit d’abord d’éliminer « l’encombrante Angleterre » qui, depuis le début du siècle, y contrecarre la France et reste enracinée dans l’ile par son action socioreligieuse et culturelle. Ensuite, il faut « abaisser l’aristocratie et l’ancien pouvoir merina ». Appuyé par l’Angleterre, ce dernier s’oppose toujours aux « droits historiques » de la France. « Le Général avait été trop lié à la grande aventure coloniale française » pour ne pas sentir le poids international de sa nouvelle entreprise. Dans l’une de ses lettres, on peut lire : « Mon programme : franciser Madagascar, saper l’influence anglaise et abaisser l’orgueil de la puissance hova. » La réalisation pratique d’un tel projet n’est pas facile. Dans la même lettre, Gallieni écrit : « J’agirai avec tous les ménagements possibles et je resterai dans la légalité et le droit, mais je froisserai certainement des intérêts, des convictions, des situations acquises et, si je devais tenir compte des récriminations, des plaintes qui seront formulées, il me faudrait rester dans une inertie dangereuse. » Cela traduit la complexité de la situation qu’il trouve dans la Grande ile au début de son gouvernorat. En particulier dans l’organisation de l’enseignement.
Les missions catholiques de Madagascar , ont grande confiance en la colonisation française, croyant que l’arrivée du général Gallieni limitera le rôle et l’influence de leurs homologues protestants, aussi bien dans l’évangélisation que dans l’enseignement. Selon Pietro Lupo (lire précédente Note), ce sentiment se reflète dans la presse, aussi bien en France qu’à Madagascar. La revue « Ny Iraka » (Le Messager) éditée par la Mission catholique d’Antananarivo, écrira le 1er août 1897 : « Le catholicisme marche aujourd’hui à la suite de la France et c’est ainsi que la France a toujours mérité d’être appelée dans l’histoire l’ Ouvrier de Dieu, gesta Dei per Francos. » Ces derniers mots constitueront même la devise, en sous-titre, de la revue. Le R.P. Piolet- « cet historien qui, du côté catholique, devait contribuer par ses écrits à la diffusion du cliché catholicisme égal colonialisme »- commente en 1898 : « La France est grande en dehors, surtout par le catholicisme dont elle est le propagateur et le défenseur officiel. Et rien n’a contribué à son expansion extérieure, comme l’œuvre accomplie par ses missionnaires et par ses religieuses. Il est donc du devoir le plus élémentaire d’un administrateur colonial de défendre, de protéger, d’aider ces religieuses et ces missionnaires. » Cet écrit parait dans les « Études », revue culturelle des Jésuites de Paris. Et il reprend même une boutade de Gambetta sur « l’anticléricalisme qui n’est pas un article d’exportation ». Mais cela ne changera pourtant pas les positions laïcistes. À l’époque où parait l’article, Piolet écrit déjà plusieurs livres sur Madagascar et entretient une correspondance amicale avec Gallieni, déjà gouverneur général de la nouvelle Colonie. En réalité, rien n’est plus loin de l’esprit de Gallieni que ce devoir élémentaire de « défendre et protéger les missionnaires », malgré les services qu’ils ont rendus à la France, « dans le Monde et à Madagascar ». Son attitude bienveillante à l’égard des églises au début de son mandat, obéit à « un projet politique nettement défini et différent de ce qu’espéraient les catholiques ». Le 1er juin 1904, il écrit à Alfred Grandidier : « Jésuites, frères et sœurs me considéraient comme l’homme prédestiné devant assurer dans l’Ile la ruine du protestantisme et la prééminence du catholicisme. Nous ne parlions pas le même langage. Je parlais de l’influence française, de l’organisation de la vie économique dans un sens français. On me répondait religion et catholicisme. » En tant que politicien, Gallieni obéit à un projet précis intégré dans la politique coloniale française : faire de la Grande ile une terre française qui assure ainsi son influence stratégique dans l’océan Indien, « enjeu principal de la rivalité franco-anglaise», et des Malgaches, « un peuple dévoué et fidèle à la France ». Ces motivations réelles de l’expansion occidentale dans le monde, se cachent souvent derrière un « langage philanthropique » en appelant aux notions de « civilisation » et de « libération des peuples des régimes tyranniques traditionnels ». D’après Pietro Lupo, au Soudan, la mission principale de Gallieni est « d’éliminer l’entreprenant Samori et de limiter la pénétration anglaise qui, de la Sierra-Leone, poussait vers les vallées du Niger, à l’intérieur du continent africain ». De même, en Extrême-Orient, la libération des régimes oppressifs et l’arrêt de l’expansion chinoise sont les arguments majeurs développés par le parti colonial qui pousse à la conquête du Tonkin. À Madagascar, il s’agit d’abord d’éliminer « l’encombrante Angleterre » qui, depuis le début du siècle, y contrecarre la France et reste enracinée dans l’ile par son action socioreligieuse et culturelle. Ensuite, il faut « abaisser l’aristocratie et l’ancien pouvoir merina ». Appuyé par l’Angleterre, ce dernier s’oppose toujours aux « droits historiques » de la France. « Le Général avait été trop lié à la grande aventure coloniale française » pour ne pas sentir le poids international de sa nouvelle entreprise. Dans l’une de ses lettres, on peut lire : « Mon programme : franciser Madagascar, saper l’influence anglaise et abaisser l’orgueil de la puissance hova. » La réalisation pratique d’un tel projet n’est pas facile. Dans la même lettre, Gallieni écrit : « J’agirai avec tous les ménagements possibles et je resterai dans la légalité et le droit, mais je froisserai certainement des intérêts, des convictions, des situations acquises et, si je devais tenir compte des récriminations, des plaintes qui seront formulées, il me faudrait rester dans une inertie dangereuse. » Cela traduit la complexité de la situation qu’il trouve dans la Grande ile au début de son gouvernorat. En particulier dans l’organisation de l’enseignement.