Une juxtaposition possible entre Musique et Histoire


Si, dans notre précédente Note, il est question des aspects inattendus de l’Histoire de Madagascar, cette-fois, nous emprunterons une étude de Raymond Kent sur la « Musique de l’Histoire ». Il ne fait aucun doute, estime-t-il en 1980, que le moment est venu « de reconsidérer la musique à Madagascar dans une perspective temporelle et d’aller au-delà de l’étude purement technique des instruments découverts dans la Grande ile, réalisée par Curt Sachs. » Pour Raymond Kent, la musique peut donner un éclairage à l’histoire et des études historiques minutieuses peuvent donner à la musique « un contexte qu’elle ne pourrait pas obtenir autrement ». Il revient alors sur la récente tentative pour combiner à la fois une connaissance technique de la musique et une perspective historique sur le sujet. Raymond Kent souligne que cette étude témoigne « d’une mauvaise compréhension de la façon dont- en tant qu’historien donc qui n’a pas de compétence technique en matière de musique- « il met en relation la musique et l’histoire ». D’après lui, c’est une excellente occasion pour affirmer une bonne fois, qu’il rejette une idée, celle qui soutient que « les notions de race, de langue et de culture puissent être la question des ‘origines’ ». Et il se donne en exemple. Malgré son nom anglo-saxon, son goût pour la nourriture chinoise consommée avec des baguettes et son amour de certains vins français, « je ne suis ni anglais, ni chinois, ni français par mes origines, ni une combinaison des trois ». De la même, il « s’inscrit en faux » contre l’idée que les Merina jouent une « musique indonésienne », que les Sakalava doivent être d’origine africaine à cause de « leurs formes d’expressions musicales », ou encore que la musique de tous les Antalaotra révèle le génie de leurs « race, langue et culture » arabes. Le fait qu’une personne à Madagascar joue d’un instrument dont l’origine est en Afrique, ne permet à quiconque d’affirmer qu’aussi bien cette personne doit être d’origine africaine. Et même le fait que la langue malgache, en tant que telle, se rattache à la famille malayo- polynésienne, « ne peut automatiquement transformer les habitants de cette énorme ile en Malayo-polynésiens de race ». Raymond Kent attire aussi l’attention sur un autre fait, en réfléchissant sur la musique : les Malgaches sont uniques. En tant qu’historien, il a toujours cru au facteur d’unicité. « Ce qui explique pourquoi je me suis opposé et je continuerai à m’opposer à ceux qui prétendent imposer des théories sur l’histoire » Mais il se rend compte, «en tant qu’historien », de la délicatesse d’un sujet comme l’histoire. Le facteur d’unicité qui le préoccupe, risque facilement de déborder vers un besoin réel de « découvrir » ou de « prouver » l’existence d’une « musique nationale ». Et à partir d’une telle préoccupation et dans une telle perspective, « on pourrait arriver à la conclusion selon laquelle- puisque la pratique courante des auteurs de la période coloniale a été d’attribuer les formes supérieures de la culture (y compris la musique à des apports étrangers- le temps est venu d’éliminer ces apports pour attribuer toute chose à des initiatives purement locales ». En réalité, ajoute-t-il la juxtaposition faite de la musique et du passé peut être reproduite dans d’autres domaines comme chacun peut s’en rendre compte rapidement. Et il insiste que vouloir attribuer à la seule période coloniale la valorisation des influences externes à Madagascar, est « tout à fait inadéquat ». Car « en fait », la plupart des hypothèses de ce type sont « antérieures » à l’ensemble de la période coloniale. Pour conclure son étude, Raymond Kent écrit : « Il n’est en rien meilleur de chasser toute considération des influences extérieures sur Madagascar des temps anciens, que de ne retenir exclusivement qu’elle. « Il y a bien des façons d’aborder la musique et l’histoire et aussi sûrement, nous devrions enquêter sur l’unique et le semblable, l’originalité et l’imitation, le temporaire et le constant, le régional et le général. En bref, effort ‘total’ pour comprendre le passé, l’histoire ne saurait l’amputer. »
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