Embouteillage dans les ports malgaches


Vers la mi-1945, de nombreux stocks de marchandises sont accumulés dans les ports malgaches. Ils occupent tous les moyens de magasinage et causent ainsi de vives inquiétudes pour le stockage et l’emmagasinage des récoltes à venir. Dans la plupart de ces ports, indique L. Salzani des Messageries maritimes, «les batelages étaient devenus pratiquement inexistants par suite de l’usure de leurs matériels, et rien ne permettait de prévoir leur rapide reconstitution ». De son côté, la France souffre d’un manque grave de navires. « Toutes les causes possibles jouaient pour mettre la Métropole dans l’impossibilité absolue d’envoyer rapidement la flotte permettant d’évacuer les stocks. Car non seulement un certain nombre de navires avaient été coulés, mais encore ceux qui restaient, étaient dans le plus grand état d’épuisement, ne pouvant trouver les chantiers qui permettent leur réparation. Au surplus, fallait-il compter avec les besoins pressants d’une guerre encore non terminée. » L’affrètement de navires étrangers se présente, en outre, dans les conditions les plus défavorables. Les besoins militaires, économiques et politiques des nations alliées sont énormes, notamment en Extrême-Orient. «Les navires étrangers, pour beaucoup d’entre eux, commençaient à se ressentir de leur usage intensif et à donner des signes évidents de fatigue. Aussi étaient-ils souvent immobilisés ou retardés par les nécessités d’un programme d’entretien.» Pour affréter des bateaux étrangers, d’ailleurs, les devises manquent. Une bonne partie des premières évacuations de Madagascar vers la France sont faites sous l’égide d’un organisme interallié, l’United Maritime Authority, qui envoie vers Mada­gascar et La Réunion un certain nombre de bâtiments. «Leurs cargaisons n’étaient pas toujours celles que les nations alliées estimaient devoir mettre en place les premières dans les centres de consommation de la Métropole. » Concernant le transport des passagers, la situation est encore plus difficile. La plupart des paquebots ou paquebots-mixtes français à l’usage des transports normaux de passagers, disparaissent. Ceux dont les Alliés peuvent disposer « au début, au cours ou à la fin de la guerre », se transforment en transports de troupes et les sous-marins ennemis ne manquent pas de s’acharner sur eux. Les quelques paquebots rescapés sont utilisés de manière intensive pour les transports de troupes vers les théâtres de combat ou pour le rapatriement des armées alliées démobilisées vers leur pays respectif. Ainsi, les premiers efforts entrepris par le ministère de la Marine marchande pour des évacuations de marchandises ou de passagers, se font dès le début, «et pendant longtemps», sous l’angle «d’indispensables priorités». Cela ne peut que léser gravement le commerce malgache dans de nombreux secteurs.Ce n’est que vers l’été 1945 qu’il est possible de parler d’un début d’évacuation, mais sur « une échelle modeste ». De très nombreuses difficultés pratiques se font alors jour. La situation des batelages est telle que l’embouteillage des ports est extrême et que les rotations des navires sont souvent le double de celles d’avant-guerre. « Madagascar assista à un phénomène curieux. Pendant les années qui suivirent, il fallut que la Métropole affectât plus de navires au service de Madagascar qu’avant-guerre et ceci pour assurer une desserte moindre. » Et un autre paradoxe découle du précédent, ajoute L. Salzani. Les besoins en soute augmentent dans des proportions considérables, soutes payés en devises, alors que la constitution des stocks de charbon se révèle à peu près impossible. Pendant quatre années, aucune régularité n’est possible. Même la desserte des ports secondaires par cabotage est un problème pratiquement insoluble, car «le ralentissement des opérations diminua, pratiquement de moitié, le rendement des navires côtiers affectés à cette desserte». Et l’embouteillage des magasins dans les ports de transbordement n’est pas fait pour accélérer la rotation des caboteurs: d’innombrables difficultés surgissent. Les navires étrangers qui desservent Madagascar pour des liaisons non-métropolitaines se considèrent, en effet, lésés à cause de graves retards qui leur sont imposés. Toutefois, en 1947, un mieux se fait sentir car les services de la Marine marchande française peuvent disposer des devises nécessaires pour affréter des bateaux. En outre, un certain nombre de navires appartenant aux armements habitués de Madagascar sont réparés ou transformés et remis en ligne. Enfin, les stocks diminuent suffisamment pour que l’écoulement des marchandises de l’hinterland vers les ports devienne possible.
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