Left no one behind


Quelques milliers de personnes dans la salle : des diplomates, des parle­mentaires, des représentants de la société civile venant de tous les pays du monde. Chaque pays sur la planète a été représenté et y avait sa place. Les bailleurs possibles et imaginables ainsi que toutes les structures de mise en relation pour le développement sont aussi dans la liste des participants. Nairobi, le premier décembre deux mille seize dans l’immense salle de conférence du Kenyatta Conference Center. La session plénière sur le sujet du « left no one behind » (ne laisser personne derrière) commence. Le modérateur demande à la salle le silence pour la vidéo phare de ce High Level Meeting 2 qui va être enfin dévoilé au public. Il demande également la concentration de tous, car le film est très court et contient le message central pour le monde afin de le guider pour les quinze années à venir d’atteindre les Objectifs de Développement Durable ou ODD. La salle se tut d’un silence religieux. Quelques minutes passent et un visage familier apparaît sur l’écran. Comme un enfant qui vient de découvrir le premier jour du mois de décembre son cadeau de Noël, mes yeux s’étaient illuminés en voyant cette barbe blanche que le Malagasy que je suis connaît si bien. La vidéo semblait s’arrêter, puis ce père Noël se met à sourire et à dire quelques phrases au monde entier. « Ne laisser personne derrière », oui nous avons délivré le « moto » pour les quinze années à venir. Oui, notre Père Pédro national est ce père Noël d’avant l’heure. La vidéo continue, puis un son si doux pour mes oreilles vient inonder la salle : quelques mots en malagasy, quelques phrases. Je lève mes yeux pour regarder et je vois un paysan de chez nous expliquer pourquoi il est important de ne laisser personne derrière. À ce moment précis, une explosion de sentiments m’envahit. Je ne peux ni les décrire, ni les comprendre et encore moins les maitriser. J’ai pleuré, j’ai versé toutes les larmes de mon corps comme transporté dans une bulle pour me réfugier quelques secondes, quelques minutes. Fin du film, l’assistance applaudit ce très court métrage qui l’a transporté dans quelques comtés loin d’ici. « Ne laisser personne derrière » voilà donc la lumière qui guidera le monde. Comme tétanisée, je ne peux même plus applaudir car les questionnements se bousculent. « No one left behind » disent-ils. Alors que se passe-t-il quand c’est tout le monde qui est laissé derrière. Quand le monde ne parle plus que de « groupe » ou « frange » marginalisée, dans ma patrie cette frange reste encore la majorité, la très grande majorité, la trop grande majorité. Dilemme sans réponse qui se pose également dans ma tête. Si le mot d’ordre est donc de ne laisser personne derrière, oserons nous espérer que Madagascar, inscrit dans la queue du peloton des pays soit à partir de maintenant la tête de liste pour les appuis au développement Pouvons-nous aussi rêver qu’à partir de ce film, le dévelop­pement que nous souhaitons pour nous soit celui que nos partenaires soutiennent Finalement, comme tous (exception faite pour l’Inde, la Chine et la Russie) ont ratifié cette déclaration de Nairobi, oserons-nous enfin prendre les bonnes décisions et ne plus rater les quinze ans à venir. Quand viendra le moment du bilan pour les Objectifs du Développement Durable en 2030, aurai-je la chance de reverser des larmes que j’espère vraiment être des larmes de bonheur, de satisfaction pour le combat mené mais aussi et surtout des larmes de fierté ? Par Mbolatiana Raveloarimisa
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